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EXPOSITION DOMESTIQUE Michèle LALANNE1
L’EXPOSITION DES ENFANTS AUX RISQUES CHIMIQUES QUOTIDIENS RÉSUMÉ Cet article reprend quelques conclusions du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) sur les dangers et les risques pour la santé humaine des substances chimiques utilisées couramment dans les produits de grande consommation. Prenant acte de l’impossibilité d’évaluer la centaine de milliers de substances chimiques présentes dans les dizaines de milliers de produits et d’objets de la vie quotidienne, l’OPECST a retenu le principe d’une évaluation de l’air intérieur. La pollution de l’air des logements familiaux représente un risque fortement inégalitaire pour les différents membres d’une famille. Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement sensibles aux contaminations chimiques à faible dose. Deux problèmes se font jour. Comment évaluer les risques chimiques en milieu domestique et comment réduire l’exposition des enfants ?
INTRODUCTION
Université Toulouse 2, CERTOP (Centre d’Etudes et de Recherche Travail Organisation Pouvoir) 1
C’est dans le rapport parlementaire Risques chimiques au quotidien : éthers de glycol et polluants de l’air intérieur (Blandin, 2008) que l’on trouve pour la France le premier état des lieux sur l’émergence du problème des risques chimiques dans la vie quotidienne. Cette étude répond à deux saisines concernant les dangers pour la santé de polluants d’usage courant dont les éthers de glycol. Son intérêt est d’avoir mobilisé les parties prenantes intervenant dans le débat public de façon contradictoire : associations de
consommateurs et de recherche thérapeutique, Collectif Ethers de glycol, Union des industries chimiques et syndicats des industries chimiques, agences de sécurité sanitaire et de l’environnement, fédérations des mutuelles d’assurance et Caisse d’assurance maladie, Institut national du cancer et service de chirurgie infantile, Ministère de la santé et observatoires de santé, Académies de médecine et de pharmacie, instituts de santé, de recherche médicale et d’environnement, etc. Les deux volumes publiés en 2008 constituent un référentiel de base pour les chercheurs en sciences sociales travaillant sur le problème de la santé environnementale. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux données relatives aux risques pour les populations les plus vulnérables que sont les enfants et les femmes enceintes. Nous dresserons un état des lieux des approches utilisées en milieu professionnel pour évaluer les risques d’expositions chimiques et nous indiquerons si une application existe ou est envisageable pour le milieu domestique. Les données sur l’exposition des enfants aux substances chimiques perturbatrices du système endocrinien et de l’appareil de reproduction ont retenu l’attention des rapporteurs. Enfin nous exposerons la démarche préventive qui a été privilégiée en France par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) pour informer le grand public.
MÉTHODE Nous prenons appui sur les résultats du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) saisi en 2004 de deux demandes d’enquêtes sur l’évaluation Air Pur N° 76 - 2009 - 43
scientifique des émissions de polluants des produits de grande consommation et des risques et dangers pour la santé humaine (Blandin, 2008). L’Office parlementaire est une structure d’évaluation composée de dix-huit sénateurs et de dix-huit députés représentant proportionnellement les groupes politiques. Créé en 1983 par voie législative, sa mission est d’informer et d’éclairer les décisions du Parlement sur les conséquences des choix scientifiques et techniques. L’OPESCT est assisté d’un conseil scientifique composé de vingt-quatre spécialistes de diverses disciplines. Deux méthodes ont été retenues : une étude pour identifier les méthodes d’évaluation de l’impact sanitaire et l’audition des parties prenantes.
I – LES ATTEINTES A LA SANTÉ EN MILIEU PROFESSIONNEL ET DOMESTIQUE L’absence de traçabilité des substances chimiques mises sur le marché est un obstacle majeur à la maîtrise et à la gestion des risques d’origine chimique. Faute d’évaluation, la Commission européenne a reconnu que le niveau de toxicité de 99 % des 100 000 substances chimiques mises sur le marché n’est pas connu. De plus les effets des multiples interactions des substances entrant dans la composition des objets et des produits utilisés dans la vie quotidienne présentent des écueils techniques pour leur évaluation. C’est dans ce contexte de préoccupation pour la santé humaine et pour l’environnement que la réglementation européenne REACH (Registration, Evaluation, Autorisation of Chemicals) adoptée en 2006 organise progressivement l’enregistrement des substances chimiques les plus préoccupantes afin d’évaluer leur toxicité puis d’étudier l’intérêt économique et sanitaire de leur maintien ou de leur substitution sur le marché. Le problème de l’évaluation des atteintes à la santé des substances chimiques a fait l’objet de nombreuses études dans le milieu professionnel. Ainsi au niveau européen, environ un quart de la population active est soumise à des expositions cancérogènes selon l’Institut finlandais de la santé et de la sécurité au travail (Kogevinas et Pisani, 1998). Et parmi les cancers reconnus comme maladie professionnelle, l’enquête européenne « European Occupational Diseases Statistics » a estimé pour 2004 que 90 % d’entre eux étaient causés par une exposition à des substances chimiques dangereuses. Quant aux expositions aux substances chimiques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) elles constituent une des causes essentielles des inégalités sociales chez les travailleurs européens. Paradoxalement la sphère professionnelle dans laquelle les victimes sont contaminées est encadrée par plusieurs dispositifs réglementaires d’évaluation des risques et de protection des travailleurs. En France, l’insuffisance du contrôle public des risques chimiques en milieu professionnel a été pointé par le Plan gouvernemental « Santé au Travail 2005-2009 » qui constate une chaîne de 44 - Air Pur N° 76 - 2009
défaillance dans l’expertise, la veille scientifique et technologique, la surveillance et l’alerte sanitaire, l’étude, l’évaluation et la promotion des moyens de prévention. Contrairement au milieu professionnel, la sphère domestique ne dispose pas d’une réglementation sur l’exposition aux substances chimiques (Lalanne, 2008). Il n’existe pas en France et au niveau communautaire de valeurs de gestion pour l’air intérieur, sauf pour l’amiante et le radon. En l’absence d’indicateur de valeur limite à ne pas dépasser dans l’air intérieur, les produits chimiques synthétiques mis sur le marché peuvent contenir, en toute légalité, des substances préoccupantes comme certaines familles de composés organiques volatils (COV). Cela se traduit aussi par une information lacunaire des consommateurs. En effet, ceux-ci ne sont pas avertis par un étiquetage approprié du danger pour la santé de certaines substances composant les produits. Pourtant certaines substances chimiques classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction sont présentes dans les produits ménagers, les produits de bricolage, de jardinage, les produits d’hygiène et de beauté, cosmétiques, les meubles et certains matériaux de construction par exemple. La spécificité du milieu domestique par rapport au milieu professionnel est la composition de ses membres et l’absence de système de protection contre les risques chimiques. Alors que la sphère professionnelle accueille une population d’adultes bénéficiant d’une santé bonne ou satisfaisante, la sphère familiale rassemble des individus dont certains sont particulièrement vulnérables en raison du stade de leur développement biologique, de leur sensibilité chronique ou de leur état de santé.
II – COMMENT ÉVALUER LES RISQUES DES SUBSTANCES CHIMIQUES ? Les méthodes d’évaluation des risques des substances chimiques utilisées en milieu professionnel sont-elles en capacité d’évaluer les dangers des expositions chimiques en milieu domestique ? Le rapport Blandin a recensé six approches d’évaluation des risques des substances chimiques. 1 - L’approche par la substance chimique est la plus ancienne. Elle a donné lieu à l’évaluation du danger et de la prévention des risques en milieu professionnel. C’est cette méthode qui a été utilisée pour le classement des substances à forte toxicité et qui a permis la reconnaissance des maladies provoquées par leur usage en milieu professionnel. Les salariés qui répondent aux critères définis par la législation n’ont pas à apporter la preuve de leur exposition et la prise en charge empêche tout recours à une voie judiciaire. Trente-deux substances chimiques sont inscrites au tableau des maladies professionnelles (Tableau 1). En France toutes origines confondues, cent douze
maladies sont reconnues par le régime général de la sécurité sociale et soixante-cinq par le régime de la mutualité sociale agricole. L’organisation du système de classification et d’information du danger par voie d’étiquetage est fondée sur ce système d’évaluation substance par substance. Le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques préconise de cibler les composés organiques volatils (COV) les plus préoccupants présents dans de très nombreux produits de consommation pour procéder à leur évaluation afin de prendre des mesures pratiques pour informer le grand public. Un des principaux objectifs est de créer des valeurs-guides pour l’air intérieur ainsi que des valeurs-guides d’émissivité des substances et des objets. L’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI) travaille sur la création d’un indice depuis 2006. Actuellement le classement pour l’air intérieur des logements par l’OQAI et par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) propose cinq classes de substances à étudier et à surveiller selon leur niveau de priorité : hautement prioritaire (7), très prioritaires (12), prioritaires (51), non prioritaires (22) et inclassables (8) (Tableau 2). SUBSTANCES CHIMIQUES CLASSÉES AU TABLEAU DES MALADIES PROFESSIONNELLES Amines aromatiques, Anticholinestérasiques, Antimoine, Arsenic, Cadmium, Chloronaphtalène, Chloronitrobenzène, Chlorure de méthyle, Chlorure de vinyle, Chrome, Dibromométhane, Dichlorométhane, Dinitrophénol, Fluor, Goudrons de houille, Halothane, Hexane, Huiles minérales, Hydrogène arsenié, Manganèse, Mercure, Nitroglycol, Oxyde de carbone, Phénylhydrazine, Phosphore, Plomb, Sélénium, Solvants, Sulfure de carbone, Tétrachloréthane, Tétrachlorure de carbone, Toluène Tableau 1 : Liste des substances chimiques reconnues pour des pathologies professionnelles
2 - L’approche par les produits contenant des substances chimiques identifiées comme dangereuses pour la santé serait un mode d’entrée utile aux consommateurs pour vérifier l’innocuité des produits et s’informer sur les précautions d’emploi des produits les plus dangereux. Cette méthode est actuellement inapplicable en raison de l’absence d’inventaire et d’évaluation des produits contenant des substances dangereuses (à l’exception des biocides dont l’enregistrement est en cours). De plus l’évaluation est d’une forte complexité : un produit contient souvent plusieurs substances actives et préparations susceptibles de se combiner entre elles. Les familles possèdent un très grand nombre d’objets et de produits de consommation dont l’inventaire s’avère impossible. Par ailleurs les formulations des produits ne sont pas permanentes et le nom des produits évolue et se diversifie dans des gammes et sous-gammes très étendues. Il est difficile de savoir si un produit présente un danger préoccupant pour la santé. Le rapport de l’OPSCT préconise de hiérarchiser les espaces d’habitation et les éléments qui dégradent la qualité de l’air intérieur. 3 - L’approche par le milieu de vie est celle qui a été privilégiée dans les milieux professionnels. C’est le croisement des informations sur la toxicité d’une substance utilisée régulièrement dans l’activité professionnelle, combinée avec le lieu de l’activité qui a permis d’apporter des preuves scientifiques de la contamination. La définition de seuils de dangers et de valeurs limites d’expositions professionnelles (VLEP) à ne pas dépasser est considérée comme un outil de prévention et de protection. Les seuils ont été fixés en intégrant deux variables qui parfois font défaut : l’efficacité de la protection professionnelle et le bon niveau de santé des hommes adultes. Pour d’autres substances chimiques dangereuses, aucun seuil de toxicité n’a pu être démontré, ce qui signifie qu’une exposition unique et brève peut suffire pour provoquer un effet sur la santé. C’est le cas de certaines substances qui sont très persistantes et bio-accumulatives (vPvB), c’est–à-dire qu’elles
SUBSTANCES CHIMIQUES A ÉTUDIER ET A SURVEILLER SELON L’OBSERVATOIRE DE LA QUALITÉ DE L’AIR INTERIEUR2 7 substances « hautement prioritaires » (Groupe A) : formaldéhyde, benzène, acétaldéhyde, particules, radon, di-éthylhexyl-phtalate (DEHP) et dichlorvos. 12 substances « très prioritaires » (Groupe B) : dioxyde d’azote, allergènes de chien, acariens, toluène, trichloréthylène, plomb, tétrachloroéthylène, dieldrine, allergènes de chat, aldrine, paraffines chlorées à chaîne courte et monoxyde de carbone. 51 substances « prioritaires » (Groupe C) parmi lesquelles des biocides, les champs électromagnétiques très basse fréquence, des composés organiques volatils, des éthers de glycol, les endotoxines, des phtalates, des organoétains et les fibres minérales artificielles. 22 substances « non prioritaires » (Groupe D) parmi lesquelles le 1,1,1-trichloroéthane, des biocides, des phtalates (DMP), des alkyls phénols et des organoétains 8 substances « inclassables » (Groupe I) parmi lesquels le 2-éthoxyéthylacétate, le 2-méthoxyéthanol, le 2-méthoxyéthyleacétate, l’alkyl phénol (4NP), des phtalates (DPP), l’endosulfan, le 2-éthoxyéthanol et l’oxadiazon. http://www.air-interieur.org
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Tableau 2 : Liste hiérarchisée des substances chimiques de l’air intérieur Air Pur N° 76 - 2009 - 45
ne sont pas éliminables par les voies naturelles et qu’elles présentent des affinités particulières avec certains organes ou tissus où elles se déposent. Elles pénètrent dans l’organisme comme toutes les substances chimiques par les voies respiratoires ainsi que le montre le tableau 3. Les individus sont exposés en permanence à l’air respiré. Un air intérieur de mauvaise qualité présente un risque dont les effets pour la santé seront différents selon certains facteurs. Les enfants et les femmes enceintes sont des populations particulièrement vulnérables à certaines substances toxiques.
Tableau 3 : Voies d’entrée des produits chimiques dans le corps humain 4 - L’approche par les pathologies est actuellement développée par plusieurs organismes qui fournissent des statistiques sur les maladies professionnelles et sur les causes de mortalité. Ces données recueillies pour des objectifs différents ne sont pas faciles à coordonner. Les Plans nationaux « Cancer », « Maladie d’Alzeimer », « Santé Environnement » par exemple fournissent des statistiques permettant de saisir les tendances et l’incidence de la pathologie sans toutefois apporter des preuves concluantes sur les liens entre le danger de certaines substances chimiques et la progression des maladies telles que : cancers spécifiques, hypofécondité, stérilité, malformations néonatales, troubles endocriniens, allergies, insuffisance rénale, etc. Alors que les statistiques médicales documentent de mieux en mieux ces maladies, il n’est pas possible de relier ces données agrégées à des causes, ni à des milieux de vie. Par exemple il n’existe pas de recueil systématique de malformations génitales dont l’augmentation constatée est incriminée à des facteurs génétiques et à des substances chimiques qui exercent une action d’interrupteur endocrinien. 5 - L’approche par les populations sensibles est une analyse retenue par l’organisation mondiale de la santé et par les politiques publiques communautaire et nationale. Les populations cibles traditionnellement identifiées sont les 46 - Air Pur N° 76 - 2009
enfants et les femmes enceintes mais en raison de la nocivité des substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, l’embryon et le fœtus sont inclus dans le groupe des populations sensibles. Le rapport Blandin résume la gravité d’une contamination du fœtus : « Par exemple, la contamination par des substances en quantité infime, comme les perturbateurs endocriniens, issus de pesticides ou de phtalates, durant les semaines de formation de l’appareil urogénital de l’embryon suffit à induire de graves malformations et des pathologies définitives. Certaines étapes essentielles de l’embryogenèse ne durent que quelques jours, voire une journée, ce qui signifie que peut être retenue la journée comme période critique à l’exposition, éventuellement unique, à un produit toxique. » (Blandin, 2008 : 24-25). 6 - L’approche par l’évaluation du risque sanitaire cumulatif est recommandé par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (AFSSET). Les expositions multiples des individus au cours de leurs déplacements et de leurs activités les exposent à plusieurs types de « chimiosphères » qui additionnent et combinent les risques. C’est cette méthode d’évaluation « intégrée » qui a été retenue pour étudier les risques des stress environnementaux dans un projet européen Intarese. En sociologie du travail Annie Thébaud-Mony (2006) procède à une reconstitution des trajectoires professionnelles des travailleurs atteints de maladies professionnelles pour montrer comment le processus d’expositions multiples et des conditions de travail précaires se croisent. Ces différentes approches récapitulées dans le rapport Blandin ne sont pas coordonnées entre elles. Elles semblent inadaptées pour évaluer les dangers des substances chimiques de la vie quotidienne et du milieu domestique. Dans ce contexte, l’information du grand public apparaît comme un levier d’action pour réduire les risques chimiques au quotidien. Cependant se pose le problème de la communication et de l’information publique sur les risques : comment dire les dangers, tout en évitant l’effet anxiogène généré par l’information ?
III – INÉGALITÉ DES ENFANTS FACE AU RISQUE CHIMIQUE Quelle évaluation est faite des risques et des effets sur la santé des populations les plus fragiles, tels les nourrissons et les enfants ou encore les femmes enceintes et les personnes sensibles ? Le rapport Blandin cite l’audition de l’organisation environnementaliste Greenpeace qui a réalisé une enquête sur les substances chimiques dangereuses présentes dans le sang du cordon ombilical (Greenpeace, 2005). Bien qu’aucune certitude n’existe sur les atteintes à la croissance et au développement du fœtus : « l’exposition continuelle du fœtus en développement à de faibles doses d’un mélange complexe de substances chimiques
persistantes, bioaccumulables et bioactives est un motif sérieux d’inquiétude. » (Blandin, 2008 : 38, tome 1). Par exemple le bisphénol A (BPA), présent dans les biberons, est supposé toxique pour les organes reproducteurs des petits animaux mâles et femelles et est classé reprotoxique de catégorie 3 dans la liste européenne, c’est-à-dire qu’un effet est suspecté mais que les preuves sont insuffisantes. Le bisphénol A a été trouvé dans le cordon ombilical, le sang du cordon ombilical, le fluide amniotique, le tissu placentaire, le lait maternel, les ovaires d’adulte et le sang d’adulte. Les effets possibles chez l’enfant sont des troubles de la reproduction et du développement, des troubles immunitaires et des chromosomes fœtaux anormaux. Le rapport plaide pour le principe de précaution : « Il serait prudent de considérer qu’une substance chimique ne peut être mise sur le marché que précédée par un rapport toxicologique approfondi de ses effets sur la santé humaine », (Blandin, 2008 : 39, tome 1). Une endocrinologue pédiatre à l’hôpital Jeanne de Flandre, dans le service de chirurgie infantile explique le rôle pathogène très probable des perturbateurs endocriniens et rappelle l’impact que peut avoir sur le fœtus, une exposition chimique aux différentes étapes de la grossesse : « A la fin du premier trimestre de la grossesse, la différentiation sexuelle est terminée. Une perturbation à n’importe quelle étape du développement peut conduire à une masculinisation incomplète du fœtus masculin», (Blandin, 2008 : 351, tome 2). Un chirurgien pédiatre intervenant dans le même service de chirurgie infantile signale qu’il prend en charge en moyenne chaque semaine une dizaine de nouveaux cas d’enfants souffrant de malformations génitales et rénales ainsi que de difficulté de détermination du sexe civil. Les interrupteurs endocriniens sont en cause et se combinent aux facteurs génétiques. Cependant l’absence de veille sanitaire sur ces malformations rend impossible une analyse de la prévalence de ces pathologies dans la population des enfants. L’exposition domestique à des polluants peut avoir des conséquences au moment de l’embryogenèse : « Certaines étapes essentielles de l’embryogenèse ne durent que quelques jours, voire une journée, ce qui signifie que peut être retenue la journée comme période critique à l’exposition, éventuellement unique, à un produit toxique » (Blandin, 2008 : 25, tome 1).
3 Consultable sur www.prevention-maison.fr le guide papier de 28 pages peut aussi être commandé. Il est distribué gratuitement sur demande. Le principe de la gratuité est présenté comme un argument facilitant l’accès du public à la prévention.
L’audition d’experts a mis en évidence la vulnérabilité des enfants par rapport à l’environnement pollué : « 80 % des alvéoles pulmonaires sont formées après la naissance. L’enfant échange davantage que l’adulte avec l’environnement : durant les dix premiers mois de sa vie, l’enfant boit deux fois et demie plus d’eau qu’un adulte – ramené aux poids respectifs de chacun – et absorbe quatre fois plus de nourriture. Il est davantage exposé aux poussières qu’il avale souvent » (Blandin, 2008, 25, tome 1). Après avoir recueilli l’avis de nombreux spécialistes le rapport sur les risques chimiques au quotidien
conclue que l’absence de preuve des effets néfastes des substances chimiques sur la santé des enfants ne doit pas être interprétée comme la preuve de leur inocuité sur le long terme.
IV – INFORMER SUR LES RISQUES CHIMIQUES DOMESTIQUES Dans la campagne d’information de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) un guide de la pollution de l’air intérieur3 récapitule les risques des polluants de l’air intérieur et indique les gestes préventifs. Les règles de prévention tiennent en trois points : « 1. Aérer, 2 . Ventiler, 3 . Identifier et agir. ». Les moyens de prévention énumérés à la question « Que faire ? » sont plus précis que les trois règles générales. Il y a un rappel des règles de respect des modes d’emploi, des règles d’aération et des règles de limitation d’utilisation d’un produit ou d’évitement. Pour les femmes enceintes et les nourrissons, les règles d’évitements sont les plus nombreuses et l’explicitation du danger des substances perturbatrices du système endocrinien ou des substances mutagènes et reprotoxiques est clairement énoncé sans être nommé : « L’exposition à des produits d’entretien, de bricolage, à des cosmétiques, à des meubles en bois agglomérés ou vernis… peut avoir des conséquences sur la santé, et plus particulièrement pendant la grossesse et les premiers mois de la vie d’un nourisson. Les substances chimiques peuvent traverser la barrière placentaire pendant la grossesse et passer dans le lait maternel pendant la période d’allaitement. Les fœtus et les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables et l’exposition à certaines substances toxiques peut nuire à leur développement physique. » (Guide de la pollution de l’air intérieur, INPES, 2009 : 25). L’aération « intense » de l’habitation durant les activités domestiques est un geste simple à effectuer mais pas toujours facile en raison de multiples contraintes qui pèsent sur l’environnement. En revanche la recommandation pour les femmes enceintes et pour les nourrissons d’éviter également l’exposition aux produits chimiques en général, et plus particulièrement aux produits d’entretien, de bricolage, de décoration, d’ameublement et aux produits cosmétiques, paraît difficile à mettre en application (Figure 1).
Figure 1 : Guide de la pollution de l’air intérieur, INPES, 2009, p.24 Air Pur N° 76 - 2009 - 47
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CONCLUSION
RéFéRENCES BIBLIOgRAPHIQUES
Le rapport de l’office parlementaire des choix scientifiques et techniques montre que les menaces environnementales liées à l’air et à l’habitat sont à la fois très présentes dans l’inventaire et appartiennent essentiellement à la catégorie pour laquelle il n’existe aucune surveillance. Les populations sont inégalement exposées aux effets des risques chimiques dans leur logement. Une des propositions en harmonie avec le « Grenelle de l’environnement » prévoit la mise en œuvre d’un programme d’information, d’éducation et de responsabilisation du public sur les dangers des produits courants en milieu domestique. La campagne d’information de l’INPES et probablement dans le futur, la création d’un indice pour mesurer la qualité de l’air intérieur ainsi que la création de valeurs-guides d’émissivité des substances chimiques et des objets constituent un début de prise en charge publique pour reconnaître et réduire les inégalités de santé causées par les expositions chimiques en milieu domestiques. Ces risques pour la santé apparaissent d’autant plus injustes que l’enfant n’a pas le choix de l’air qu’il respire.
Blandin M-C. (2008). Risques chimiques au quotidien : éthers de glycol et polluants de l’air intérieur. Quelle expertise pour notre santé ? OPECST. Rapport Assemblée nationale, n° 629, rapport Sénat, n° 176. (2 tomes). http:// www.senat.fr/rap/r07-176-1/r07-176-11.pdf Greenpeace (2005) Toxiques en héritage : des substances chimiques dangereuses dans le sang du cordon ombilical. Greenpeace Pays-Bas, WWF Royaume-Uni. http://www. greenpeace.org Kogevinas M., Pisani P. (1998). Estimation of the burden occupational cancer in Europe. IARC, International agency for research on cancer. Lalanne M. (2008) Mise en risque des substances CMR et cartographie des inégalités d’expositions professionnelles, In de Terssac G, Saint-Martin C. et Thébault C. « La précarité : une relation entre travail, organisation et santé ». Octarès éditions. Thébaud-Mony A. (2006). Histoires professionnelles et cancer, Actes de la recherche en sciences sociales, n° 163, 18-31.