UNIVERSITE Lille 2 – Droit et santé Ecole doctorale n° 74 Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales MEMOIRE DE DEA Discipline : DROIT PUBLIC ...
UNIVERSITE Lille 2 – Droit et santé Ecole doctorale n° 74 Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
MEMOIRE DE DEA Discipline : DROIT PUBLIC mention FINANCES PUBLIQUES
Présenté et soutenu publiquement par
Laurence CUVILLIER
L’évaluation de l’efficacité de la dépense publique dans le contrôle de la gestion opéré par les Chambres Régionales des Comptes
Directeur de recherche : Monsieur le professeur Xavier VANDENDRIESSCHE
JURY :
SOMMAIRE
PARTIE I :UNE TENTATIVE DE DEFINITION DE LA NOTION D’EFFICACITE DE LA DEPENSE PUBLIQUE............................................................................................................ 11
CHAPITRE I : UNE APPROCHE MODERNE DE LA GESTION PUBLIQUE BASEE SUR DES CARACTERISTIQUES ECONOMIQUES .................................................................... 12
Section I : L’introduction du terme d’efficacité dans la sphère administrative .................. 13
Paragraphe 1 : L’émergence du management public ...................................................... 13 Paragraphe 2 : L’évaluation des politiques publiques...................................................... 17
Section II : Un contrôle interne de gestion adapté au changement de perspectives des administrations publiques..................................................................................................... 21
Paragraphe 1 : Le contrôle de gestion dans les services administratifs de l’Etat, en chantier ............................................................................................................................. 21
CHAPITRE II : LE POINT DE VUE DES MAGISTRATS INSTRUCTEURS PLACES AUPRES DES CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES............................................. 31
Section I : Les éléments pris en compte par les magistrats au titre de l’efficacité de la dépense ................................................................................................................................. 31
Paragraphe 1 : L’intérêt public de la dépense ou le non gaspillage des crédits ............... 31 Paragraphe 2 : Un regard sur la sincérité des dépenses et des évaluations effectuées ..... 36
Section II : Les incidences des lois de 2001 en terme budgétaire....................................... 41
2
Paragraphe 1 : La mise en place des objectifs , une nécessité ......................................... 41 Paragraphe 2 : Le contrôle de la performance financière et les indicateurs de résultats.. 46
PARTIE II : L’EFFICACITE DU CONTROLE DE LA GESTION DES CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES............................................................................................. 51
CHAPITRE I :
LA PROCEDURE DE CONTROLE DES MAGISTRATS DE LA
CHAMBRE REGIONALE ...................................................................................................... 52
Section I : La description de la procédure........................................................................... 52
Paragraphe 1 : le choix des thèmes de contrôle .............................................................. 52 Paragraphe 2 : Les suites de la procédure à la lumière de la loi du 21 décembre 2001 ... 56
Section II : Les caractéristiques du contrôle des chambres régionales des comptes en terme d’autonomie.......................................................................................................................... 60
Paragraphe 1 : L’autonomie des magistrats et leurs limites en terme d’opportunité ....... 61 Paragraphe 2 : Les contrôles propres à chaque chambre................................................. 65
CHAPITRE II : LES SUITES DU CONTROLE DE LA GESTION .................................... 70
Section I : Le statut des travaux de la chambre régionale des comptes .............................. 70
Paragraphe 1 : La qualité de la lettre d’observations définitives ..................................... 70 Paragraphe 2 : L’impact des rapports d’observations et la mise en évidence de la prise de risque des collectivités................................................................................................. 74
Section II : Une éventuelle responsabilité des ordonnateurs............................................... 78
Paragraphe 1 :
La transmission à
la CDBF et l’histoire de communication des
documents......................................................................................................................... 79 3
Paragraphe 2 : l’absence de sanctions de la CDBF........................................................ 82
CONCLUSION ........................................................................................................................ 86
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 88
4
INTRODUCTION
5
INTRODUCTION
« Partant du constat que le secteur public est coûteux et inefficace, la compression des dépenses publiques, a, en effet, été un pilier du programme d’ajustement structurel. Celle-ci passait par une « rationalisation » de l’administration et une restructuration du système public productif. De fait, la majorité des économies en développement a assisté à un flux « brutal » de privatisation en vue d’une meilleure performance1 ». Ainsi, l’idée relatée est que pour avoir une performance publique, le « moins d’Etat » prévaut et se matérialise par le biais des privatisations si l’on se place dans le cadre des entreprises publiques. Toutefois, la privatisation ne constitue pas un bon exemple d’approches qualitatives de la gestion des collectivités et de l’Etat. En effet, depuis les années 1980 émerge l’idée d’une modernisation de la gestion des administrations en terme de qualité. Cette approche provient des modèles anglo-saxons par le biais du General Audit Office aux Etats-Unis2 mais aussi le National Audit Office ( NAO) qui a été créé par la National Audit Act en 1983 au Royaume-Uni. « Le comptroller and Auditor General ( C & AG) et son administration, le NAO […]sont l’instrument du contrôle exercé par la chambre des communes sur le bon emploi des fonds publics par le parlement3 ». Toutefois, le NAO ne constitue pas une innovation en Grande-Bretagne puisque ses prérogatives s’inscrivent dans le prolongement de son prédécesseur , le Exchequer and Audit Department Act, institué en 1866. Ainsi, plus précisément, le NAO a deux attributions en tant qu’il certifie les comptes à l’intention du parlement et exerce une mission d’évaluation des politiques publiques4. Ainsi, cette fonction de mesure de l’impact des politiques publiques nous intéresse particulièrement 1
BEJI ( K.), PLASSARD ( J.M), Performance publique dans les économies en développement : les nouvelles
orientations, rev. Politiques et management public, vol.17, n°2, juin 1999, p. 188 2
Cette étude ne développera pas le GAO et ne retiendra comme exemple que le NAO
3
ALBERT- SZAFRANSKI ( S. ), « Le National Audit Office: douze ans d’existence », RF fin. publ., n° 57,
1997, pp. 143 4
MARTINEZ ( J.CL), DI MALTA ( P.), Droit budgétaire, budget de l’état- budgets locaux- Budget de la
Sécurité Sociale- Budget Européen, 3ème édition, Paris : Litec, Mai 1999, p. 879
6
pour cette étude. En effet, dans les années 1970 le débat sur le contrôle du bon emploi des fonds publics a été remis au goût du jour ,dans le NAO et autres organismes de ce type dans les autres pays5, motivé par l’augmentation des dépenses publiques et l’interventionnisme de l’Etat en matière économique et sociale. Ainsi, la notion d’une approche qualitative de la gestion a vu le jour dans les années 1960 avec notamment de nouvelles techniques d’audit qui sont apparues d’abord dans le secteur privé puis le secteur public a suivi. Dans ce cadre, les Etats-Unis ont par le biais de la publication en 1972 de l’ouvrage intitulé « Government Auditing Standards »6 ont contribué à diffuser le modèle à l’échelle mondiale. Le contrôle opéré par le C& AG se décompose en un audit financier et un audit de performance. Le contrôle financier concerne principalement les comptes de l’Etat en terme de dépenses des départements ministériels, de recette….Force est de constater que le contrôle financier est réalisé de manière assez complète en tenant compte de la sincérité et de la régularité tant comptable qu’au niveau de la gestion. De plus, ce contrôle est complété par des contrôles internes. En revanche, l’audit de performance effectué par le NAO repose sur trois concepts que sont : economy, efficiency et effectiveness ou la règle des « 3 E ». Cet audit de performance tend ainsi à apporter une approche qualitative au contrôle. Toutefois, cette vérification est facilitée par le fait qu’ « au Royaume-Uni, la comptabilité du secteur privé est en quelque sorte une sous-discipline de la comptabilité du secteur privé, les techniques et les règles comptables du secteur privé étant adaptées aux particularités du secteur public7 ». A ce stade, une comparaison peut être effectuée avec la France où la modernisation de la gestion du secteur public est cours et introduite de manière relativement tardive.
5
notamment les Etats-Unis, le Canada, l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas
6
Appellation commune : le Livre Jaune
7
ALBERT- SZAFRANSKI ( S. ), « Le National Audit Office: douze ans d’existence », RF fin. publ., n° 57,
1997, p. 149
7
Une définition peut être apportée aux critères de contrôle de l’audit de performance. Sandrine ALBERT-SZAFRANSKI dresse une définition des critères en considérant l’économie comme le fait de « minimiser le coût des ressources utilisées pour une activité tout en respectant les exigences de qualité… », l’efficience comme « la relation entre les résultats atteints par la production de biens et de services et les ressources utilisées pour les produire » et l’efficacité comme « l’adéquation entre les résultats et les objectifs »8. Toutefois , les définitions données relèvent des caractéristiques économiques. Un autre auteur comme Yves CANNAC a mis en exergue la théorie dégagée par M. MUSGRAVE en 1959 qui relate les objectifs principaux des interventions économiques. En effet, la dépense publique doit être à « la recherche de l’efficacité économique maximale » en essayant de minimiser les gaspillages de deniers publics , « la correction et la répartition des revenus et des fortunes » et « la régulation macroéconomique »9. Parallèlement, la France a pris conscience de l’intérêt du développement de l’évaluation des politiques publiques. En effet, suite aux conclusions du groupe de travail présidé par Laurent Fabius sur l’efficacité de la dépense publique, la France a rattrapé le retard en terme de mesure de l’impact des politiques publiques. La définition de l’évaluation des politiques publiques ressort du décret de 1998
10
, créant le conseil national de l’évaluation, et dispose
« L’évaluation d’une politique publique[…] a pour objet d’apprécier […] l’efficacité de cette politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre ». Ainsi, la nécessité de l’évaluation et les termes d’efficacité de la dépense s’immiscent progressivement dans le paysage français ce qui constitue une avancée indéniable qui va bercer toutes les structures administratives et juridictionnelles du pays. La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, départements et des régions « modifie profondément le paysage de l’administration locale11 » par le biais de la suppression de la tutelle administrative et marque une avancée considérable de l’autonomie des collectivités locales.
8
Op. cité., p. 157-158
9
CANNAC ( Y.), Dépense privée, dépense publique, RF fin.publ., n° 77, mars 2002, pp. 18-19
10
art. 1er du décret n° 98- 1048 du 18 novembre 1998 relatif à l’évaluation des politiques publiques
11
RAYNAUD (J.), Les chambres régionales des comptes, Que sais-je ?, Paris : PUF, 1984, p. 4
8
Corrélativement, la loi a mis en place un système de contrôle s’adaptant à la nouvelle organisation des administrations locales par la création de la chambre régionale des comptes. Ainsi , « Le contrôle financier exercé par les chambres régionales des comptes constitue la contrepartie du renforcement des pouvoirs dévolus aux collectivités locales. Corollaire indispensable de la décentralisation, ce contrôle représente également un indéniable facteur de transparence de la gestion publique locale »12. Le contrôle de la gestion a émergé avec l’article 87 , §2 de la loi de 1982 qui indique qu’elle vérifie la régularité des recettes et des dépenses ainsi que le « bon emploi » des fonds et valeurs. En ce sens, elle bénéficie des même attributions que la cour des comptes qui lui ont été conférées par la loi du 22 juin 1967. Or, cette notion de « bon emploi » était porteuse d’une certaine ambiguïté dont les élus se plaignaient ce qui a engendré un changement opéré par la loi du 5 janvier 1988 en « emploi régulier « qui comportait une atténuation de la portée du texte de 1982. Ce contrôle de la gestion comporte deux objectifs que sont l’examen de la régularité de la gestion ainsi qu’un contrôle de la qualité. Ainsi, la régularité de la gestion vise l’examen des comptes dans le prolongement de l’examen des comptes des comptables publics et lorsqu’il s’agit d’un contrôle d’un organisme soumis à la comptabilité privé alors « la régularité de la gestion est examinée, en liaison avec le commissaire aux comptes lorsque l’organisme doit en désigner un, sous les deux aspects du fonctionnement propre de ces organismes et de leurs relations avec les collectivités territoriales qui leur apportent un soutien juridique, matériel et financier13 ». De plus, cette notion de régularité sous tend la sincérité des comptes devant refléter de manière fidèle les comptes de la collectivités ou de l’organisme contrôlé. La chambre régionale des comptes dispose d’un second objectif en terme de contrôle de la gestion notamment la qualité de celle-ci qui comprend « un audit financier et un examen de l’efficacité de la gestion14 ». Dans ce cas, il apparaît que la chambre régionale des comptes a
12
RAPPORT n° 298
13
HERNU ( P.), « L’évolution des contrôles des chambres régionales des comptes à travers les lois des 5 janvier
1988, 15 janvier 1990, 6 février 1992 et 29 janvier 1993 », RF fin. publ, n° 43, 1993, p.44 14
HERNU ( P.),Op. Cit., p. 45
9
pris en compte les caractéristiques de la qualité de la gestion auxquels se réfèrent les exemples étrangers. Ainsi, l’intérêt du sujet se situe dans le fait que la nouvelle approche de la gestion publique utilise des critères se rapprochant des données économiques et que ce nouveau mode d’administration implique non seulement une méthode plus efficace de dépenser les deniers publics soit vers un choix plus pertinent des dépenses envisagées mais aussi une nouvelle manière d’envisager le contrôle au niveau de l’administration permettant de s’épanouir grâce à des techniques importées de la gestion des entreprises privées. En effet, il s’agit de tout un concept nouveau dans le but de définir le terme de l’efficacité. Par ailleurs, cette notion n’ayant pas reçu à ce jour de définition en matière juridique, il est apparu indispensable de replacer ce terme tant dans les administrations centrales que dans les collectivités locales ce qui tend à élargir cette étude aux dépenses de l’Etat dont les innovations récentes en matière budgétaires sont relativement significatives pour ce sujet en terme d’efficacité de la dépense publique. A la lumière de ces « nouvelles données », la chambre régionale des comptes va ajuster son contrôle en prenant en compte cette définition et en cette matière, la nécessité de connaître de manière plus approfondie la procédure suivie dans le contrôle de la gestion est apparue importante. La rencontre avec M. Didier Roguez, conseiller auprès de la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais ainsi que M. Pierre Van Herzele, commissaire du gouvernement au sein de la même instance, a permis d’ajouter un esprit pratique à cette réflexion ce qui a permis entre autre une analyse de l’efficacité du contrôle de cette chambre et par extension des autres chambres régionales des comptes. L’évaluation de l’efficacité de la dépense publique dans le contrôle de la gestion opéré par les chambre régionale des comptes met en évidence le souci d’analyser la définition de la notion d’efficacité dont cette étude présentera une esquisse ou les éléments permettant de décortiquer cette notion ( Partie I ) mais aussi de voir comment la chambre régionale des comptes tient compte de cet élément qualitatif lors de son contrôle de la gestion ( Partie II ).
10
PARTIE I :UNE TENTATIVE DE DEFINITION DE LA NOTION D’EFFICACITE DE LA DEPENSE PUBLIQUE
11
CHAPITRE I : UNE APPROCHE MODERNE DE LA GESTION PUBLIQUE BASEE SUR DES CARACTERISTIQUES ECONOMIQUES
La mise en place de la modernité de la gestion publique est un travail long et une des priorités en matière de développement de la gestion publique. M. Jean Pierre WEISS15 exprime parfaitement cette idée lors de l’élaboration du guide d’autoévaluation du contrôle de gestion à l’usage des administrations d’Etat : « Les matériaux commencent à être livrés, le panneau annonçant le chantier est sur le point d’être posé, avec une date de début des travaux. Les ouvriers ont envie de construire la maison et ses habitants aspirent à l’occuper. Cela devra sans doute se faire par étapes successives. Les derniers étages ne seront pas achevés avant longtemps, mais le confort des premiers étages sera supérieur à celui des demeures actuelles. Cela encouragera donc à poursuivre le chantier. Les ouvriers s’appellent les agents du service public, les habitants sont les citoyens, les usagers, les contribuables. Le panneau annonce l’ouverture d’un grand chantier baptisé la modernisation de la gestion publique. La maison s’appelle le service public citoyen et on la trouve dans la rue de la démocratie »16. Ce premier chapitre se proposera de dégager la notion de l’efficacité de la dépense publique tant au niveau des services de l’Etat que dans les collectivités territoriales car la recherche de la modernité n’est pas une conception purement étatique, ce souci semble avoir envahi toutes les administrations françaises.
15
Directeur du personnel, des services et de la modernisation, et à la déconcentration au ministère de
l ‘équipement, des transports et du logement. 16
Conclusion du président du groupe de travail interministériel animé par la direction du budget et la direction
de la comptabilité publique.
12
La modernité de la gestion passe par l’introduction de techniques qui ont fait leur preuve dans le secteur privé notamment celles qui vont être liées à l’efficacité, terme significatif dans la politique de développement de l’entreprise privée ( Section I ). Corrélativement, la mise en œuvre d’outils de contrôle, permettant d’asseoir les choix envisagés dans une approche qualitative, provient également du secteur privé et tend à se développer dans le public ( Section II ).
Section I : L’introduction du terme d’efficacité dans la sphère administrative
Depuis une quarantaine d’années, une intense activité est menée au sein des services administratifs de l’Etat et des collectivités locales afin d’améliorer la gestion. Ceci s’est traduit par la nécessité d’un changement de perspective de l’administration inséré dans un cadre de management rendant la gestion de l’administration plus efficace (§ 1.) et, parallèlement ,a conduit à l’évaluation des politiques publiques qui constitue le deuxième axe sue la voie de la modernité ( § 2.).
Paragraphe 1 : L’émergence du management public
Selon Jacques MARSAUD, « Depuis quelques années, on assiste dans les collectivités territoriales à une certaine évolution de la gestion dont les caractéristiques et la tendance par rapport à la période passée peuvent laisser penser à une réorientation » 17. En effet, la dualité entre le public et le privé n’est plus aussi stricte malgré le fait que la définition des termes ne tend pas à rapprocher ces deux notions. De plus, les collectivités vont évoluer en s’inspirant des démarches utilisées dans le secteur privé , les adaptant à leurs propres spécificités.
17
Secrétaire Général de la Mairie de Saint-Denis dans les années 1995.
13
De manière simple, le secteur privé est caractérisé par une logique d’entreprises avec un souci de rentabilité et de profit associé à la satisfaction des besoins du consommateur alors qu’au secteur public est attaché une idée d’intérêt général. Cette première approche montre que le secteur privé requière l’utilisation de prérogatives de gestion stratégiques, dont notamment la recherche de l’efficacité dans les choix effectués, tournées vers la réalisation des objectifs assignés à l’entreprise. En revanche, le secteur public affectera ses choix dans une optique de satisfaction de l’intérêt général et, de par ce biais, ne recherchera pas une gestion qualitative en priorité. De cette dualité, émane la notion de management qui est «… soupçonné d’être l’émanation de l’idéologie du secteur privé et comme tel hostile au secteur public »18. Toutefois, certains auteurs ont dégagé la définition du management et essayé de tracer la frontière entre le public et le privé en posant comme LYNN19 que « le management privé est orienté vers la performance économique telle qu’elle est déterminée sur les marchés, tandis que le management public est orienté vers l’intérêt public tel qu’il est déterminé dans les forums politiques ».
Cette définition a le mérite de délimiter les deux domaines mais elle
semble relativement simpliste en ce sens qu’elle n’envisage qu’une orientation sur l’intérêt public de la dépense. Certes, celui ci constitue l’une des priorités de l’administration dont les finalités sont d’assurer le respect de l’ordre public et la satisfaction de l’intérêt général en ayant recours aux prérogatives de puissance publique mais la performance économique ou l’efficacité de la dépense a aussi été introduite dans le public par la règle dite des trois E20. En effet, il apparaît que « l’entreprise est devenue le modèle de référence qui est transposé dans le secteur public local »21. « Les pères fondateurs » du management public moderne sont Fayol avec l’idée d’une « doctrine », Taylor qui présente le « management scientifique » et Weber : « la domination
18
GIBERT (P.) et LAUFER ( R.), Management de la frontière et management sur la frontière ,Revue Politique
et Management Public, vol.5,n°1 , mars 1987, p.88 19
LYNN, Revue Politique et Management Public, vol., 1981 , p.114
20
soit l’efficience, l’efficacité et l’économie.
21
MUZELLEC ( R.), La gestion financière : quelles innovation ?, RF fin.publ. , n°38, 1992, p. 88
14
du savoir » qui ont , dès le début du siècle, cherché à transférer les méthodes du secteur privé dans le secteur public22. L’origine de ce management public remonte à la volonté de modernisation de l’administration apparue en France avec la mise en place de la RCB23. En effet, cette première expérience en France s’est illustrée dans les années 1960, et plus précisément le 4 Janvier 1968. Le gouvernement français décidait de s’engager dans une opération de RCB dont l’objectif était de trouver les moyens d’améliorer la performance des administrations. Ainsi, selon Alexis Quint24 , l’objectif de la RCB est entre autre la recherche d’une plus grande efficacité. « On retrouve à l’origine de la RCB, la vieille préoccupation des hommes politiques et des économistes soucieux de la meilleure utilisation possible des ressources disponibles »25 .La RCB induit entre autres, une modernisation complète de la gestion des administrations ce qui a introduit les techniques de management héritée du secteur privé. En effet, avant l’introduction de cette idée véhiculée par la RCB, l’organisation de l’administration française était marquée par un cloisonnement, sources de dysfonctionnements et de pertes d’efficacité. En ce sens, « la RCB […] lutte contre les doubles emplois et […] détermine un nouveau type de spécialisation26 ». De plus, d’autres phénomènes ont engendré la mise en place du management comme des changements d’ordre social avec le progrès, l’augmentation de l’activité féminine, le développement de la scolarisation de masse….De plus et inévitablement, la décentralisation a eu un poids important et, même, a été le moteur de cette transformation puisqu’elle a permis aux élus d’acquérir une plus grande autonomie dans leur gestion tout en les plaçant dans le cadre des contraintes budgétaires assignées aux collectivités, à titre d’exemple.
22
NIOCHE (J.P), « Science administrative, management public et analyse des politiques publiques, RF
adm.publ., octobre- décembre 1982, p. 638 23
Rationalisation des Choix Budgétaires
24
chargé d’enseignement à la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l’Université de Lille II
25
QUINT ( A.), « L’échec de l’expérience française de RCB, une référence pour la réforme financière de
l’Etat », Mémoire de DEA de droit public dirigé par le professeur M. Lascombe, in Annales de l’école doctorale, n°4- 1996, pp. 293- 384. 26
QUINT, op.cité., p. 323
15
Au niveau local, le développement du management public va induire une idée de recourir à toutes les diligences nécessaires pour « agir efficacement sur le développement et l’aménagement de la ville, sur les grands problèmes de société »27. Ce management semble se manifester comme un changement profond des manières d’agir dans l’élaboration des politiques publiques afin qu’elles répondent tant aux attentes des administrés qu’elle ne grève pas le budget de la collectivité, en réalité, la collectivité sera gérée comme une entreprise sans le souci de rentabilité. Or, cette notion de rentabilité semble s’adapter à la spécificité des administrations. En effet, la notion de performance financière28 a été introduite dans l’application d’une politique publique en référence aux exemples étrangers. En outre, l’administration utilisera des outils du secteur privé tels que la comptabilité analytique, le contrôle de gestion mais aussi une analyse financière prévisionnelle permettant à la commune d’avoir une analyse en terme de choix des investissements adaptés à sa spécificité. Puis, afin que ces outils de gestion puissent apporter une certaine efficacité à la politique publique envisagé ou au programme d’action, la gestion des ressources humaines ne doit pas être négligée. En effet, le personnel administratif doit disposer d’une formation afin d’adapter la gestion à ces instruments de performance financière29. Toutefois, l’évolution des administrations se heurtent à un problème organisationnelle à tous les stades de la hiérarchie. En effet, pour que le système fonctionne de manière efficace, il faut une certaine unité au niveau des agents, soudés dans l’objectif de la réalisation du projet. Ainsi, l’information doit circuler dans des termes précis pour éviter les erreurs d’interprétations et ne doit pas être pléthorique afin de minimiser les risques de contradictions. Autant de détails, devant être scrupuleusement étudiés, qui permettent à chaque niveau hiérarchique de déterminer précisément leur rôle dans l’élaboration et l’exécution du programme30.
27
MARSAUD (J.), Recul, redéploiement ou déploiement du management dans les communes ?, rev. Politiques
et management public, vol.13, n° 3, septembre 1995, p. 227 28
cf infra p.
29
MARSAUD, op.cité, p. 236- 237
30
WOLMAN ( H.), « Les facteurs de réussites ou d’échec des politiques publiques », rev. Politiques et
Management Public, vol.3, n°3, Septembre 1985, p 77- 81
16
Quand l’efficacité de l’organisation administrative est mise en œuvre, il apparaît que les structures de contrôle peuvent être assises plus facilement. Or, dans le privé, l’incitation monétaire permet d’obtenir ce résultat. La structure rigide de la fonction publique tend à limiter le développement du projet et les seuls moyens de contrainte se retrouvent dans les risques de mauvaise notation, de rétrogradation ou de révocation dont sont passibles les fonctionnaires tels que le décrit leur statut. Mais constitue-t-il des armes suffisantes pour une évolution des mentalités ? En effet, le secteur privé dispose à ce stade d’un avantage indéniable dont est privé le secteur public. Toutefois, afin d’apporter un soutien des citoyens et une certaine participation à la vie locale, la loi du 12 avril 200031 a introduit, dans les collectivités locales, le référendum communal permettant aux élus de faire approuver leur politique par les citoyens ce qui amène une nouvelle conception des relations avec les administrés et tend à permettre le développement de nouvelles méthodes de travail facilitant les réponses aux attentes des usagers. Dans ce cadre, l’analyse du management public engendre inévitablement de porter un regard sur l’analyse des politiques publiques comme un outil essentiel de modernisation. Voir conception du maire entrepreneur
Paragraphe 2 : L’évaluation des politiques publiques
Dans une démarche tendant à introduire la notion d’efficacité dans le secteur public, il apparaît important de voir l’impact des politiques publiques en ce sens. « L’évaluation s’attache à mieux connaître le coût réel des actions publiques d’une part ; elle devrait permettre une meilleure allocation des moyens, d’autre part 32». De plus, la politique publique peut être définie comme un ensemble de décisions et d’activités que des acteurs nationaux ou locaux prennent et réalisent dans le but de résoudre des problèmes collectifs.
31 32
LAMARQUE (D.), Evaluation et Budget, rev. Politiques et management public, vol.17, n°2, juin 1999, p.175
17
Ainsi, il est nécessaire de souligner la corrélation entre cette démarche évaluative et la mesure de la performance publique puisque, pour réaliser cette mesure, l’étude des politiques publiques et de leurs impacts apparaît inévitable. En effet, l’évaluation de cette performance se fonde sur quatre critères que sont l’effectivité, l’efficacité, l’efficience allocative et productive33. De manière plus générale, l'évaluation peut être définie comme un élément de comparaison des objectifs, de la mise en œuvre et des résultats d'une politique, d'un programme, d'un dispositif, d'un projet, et à formuler un jugement sur celui-ci. Ainsi, les fonctions de l'évaluation consistent essentiellement dans le fait de comprendre et de juger, alors que celles du contrôle, de l'audit et de l'inspection sont principalement de contrôler et de conseiller. Cette distinction entre les termes est nécessaire car cela permet d’éviter une certaine confusion des élus qui seraient enclin à mal accepter une simple évaluation par rapport au contrôle ce qui engendre une mauvaise perception de celle-ci alors que le but est de leur offrir une aide en terme de gestion. Concernant, plus précisément, les politiques publiques, le décret du 18 novembre 1998 tend à définir l’évaluation comme ayant « pour objet d'apprécier, dans un cadre interministériel, l'efficacité de cette politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en œuvre »34. Ainsi, elle cherche à identifier les effets de l’action envisagée, ainsi qu’à analyser objectivement les causes permettant de mettre en évidence les écarts entre les effets réels et les effets attendus. Cet élément ajoute un point supplémentaire dans l’esquisse de démonstration de l’aide qu’elle sous entend et surtout du fait que le groupe chargé de l’évaluation effectuera cette analyse au cas par cas en fonction des finalités, des objectifs, des caractéristiques spécifiques de l'objet à évaluer. Ainsi, il ne recourra pas à l’utilisation de normes prédéterminées ni à un référentiel standard ce qui montre que cette démarche est particulièrement adaptée à l’organisme évalué dans une optique de performance de ses choix. Toutefois, cette démarche d’évaluation s’envisage durant un lapse de temps afin de mettre en place les phases de réflexion ce qui représente un travail déterminant pour la définition 33
KNOEPFEL ( P.), VARONE ( F. ), « Mesurer la performance publique: méfions- nous des terribles
simplificateurs », rev. Politiques et Management Publique, vol.17, n° 2 , Juin 1999, p. 129 34
Rapport du conseil national de l’évaluation
18
précise de l'objet à évaluer, des critères à utiliser, de choix des questions à poser ainsi que la procédure requise en terme de
données à rassembler et des personnes à associer ou à
consulter. En effet, la constitution des instances d’évaluation requièrent la participation de bénévoles connaissant le sujet étudié mais n’ayant pas d’implications dans la politique à évaluer. Ce seul recrutement nécessite du temps. De plus, l'évaluation est un travail d’équipe, appuyé sur des données fiables, où la concertation et l’écoute prennent une place importante. En effet, l’intérêt de ce travail ne se situe pas au niveau de la recherche d’irrégularités mais la mise en évidence de toutes les conséquences de l’application de la matière à évaluer, de ses effets. Si cette analyse met en évidence des faiblesses ou des dysfonctionnements, l'évaluation sera accompagnée de recommandations tendant à les faire cesser.
Toutefois, le rapport devra mentionner les
pratiques particulièrement adaptées dans ce cas , facteurs de réussite. La finalité de la démarche évaluative permet un accroissement de la performance et de l’efficacité de la prise de décision adaptée à l’environnement et à la spécificité de la matière évaluée.
Dans l’évaluation de la politique publique ou du programme, quatre stades peuvent être développés dans le cycle de vie de celui-ci. Le cycle débute par l’évaluation a priori ou ex ante qui est faite au moment de la conception du programme ou de la politique avant son adoption définitive et sa mise en œuvre. Son objectif vise à s’assurer de la pertinence et de la cohérence du programme, en référence aux finalités et aux effets souhaités ainsi qu’au contexte dans lequel il se situe. De plus, elle veille à la faisabilité du programme ainsi qu’à l'existence d'objectifs opérationnels pouvant effectivement faire l'objet d'un suivi. De même, une évaluation intermédiaire peut être opérée pendant la mise en œuvre, à peu près à la moitié du cycle de vie du programme. Cette évaluation se propose comme une mesure tendant à corriger les éventuels écarts entre la mise en œuvre et le projet initial qui agira par le biais de recommandations. De plus et afin de disposer d’une information en temps réel du programme envisagé, une évaluation concomitante ( in itinere) est réalisée, c’est à dire qu’elle est faite tout au long du 19
processus d’actions. Toutefois, cette pratique relève plutôt de l'analyse continue tant de l'état d'avancement et du contexte que des réalisations faites et des résultats acquis. Dans le cadre de programmes sensibles, cette évaluation permet d’associer les partenaires au processus de pilotage. Enfin, une évaluation a posteriori ou ex post est faite après la fin du programme et permet de rendre compte de l'ensemble des effets observés et de l'impact global, de leur pérennité et de leurs causes ainsi que de l'appréciation portée sur l'efficacité, sur l'efficience (efficacité rapportée aux ressources mobilisées) et sur l'utilité du programme ou de la politique évaluée35. Cette idée d’évaluation des politiques publiques est une préoccupation qui a émergé au niveau de l’administration par le biais d’organismes externes par rapport au management qui est réalisé en interne. En effet, le fait de recourir à des organismes externes de contrôle permet d’éviter que l’administration soit juge et partie. Ainsi, le département de l’Hérault a mis en place une politique d’évaluation depuis 1990 dans les domaines de l’emprunt, l’eau, le patrimoine ainsi que l’aide au développement local. Respectant les objectifs de l’évaluation tendant à dépenser mieux et à la recherche de la transparence, le département de l’Hérault a réalisé l’étude par le biais de deux instances que sont le comité départemental de l’évaluation (C.D.E) et le conseil scientifique de l’évaluation (C.S.E). Dans ce cadre, le C.D.E était chargé de la décisions des évaluations et des suites à envisager et le C.S.E de veiller à la qualité et l’objectivité des travaux d’évaluation en donnant son avis. Le recours à des organismes externes permettaient une approche plus objective et plus pertinente. La finalité de cette étude montre que l’évaluation est un outil nécessaire en terme de conseil qui permet de fixer la situation exacte du département. Au niveau des collectivités, l’évaluation est bien ressentie par les élus qui se rendent compte que cet instrument n’engendre pas une révolution mais permet de bien fixer les objectifs de chacun des services et des partenaires. L’évaluation qui s’est heurtée, de la part des élus et des fonctionnaires, à des problèmes de légitimité et à des craintes, soupçonnée d’être un contrôle, emporte des suites très positives dans les communes du département mais cet outil ne
35
procédure décrite par Eric Monnier, in contribution au séminaire du conseil national de l’évaluation du 25
novembre 1999
20
conserve un réel atout que s’il est suivi d’effets et que si les réflexions menées sont pertinentes36. Ainsi, les perspectives de modernisation de l’administration s’apprécient tant au niveau d’un remaniement interne qu’externe. Toutefois, l’introduction de l’efficacité dans les administrations supposent des outils de pilotage interne via le contrôle de gestion.
Section II : Un contrôle interne de gestion adapté au changement de perspectives des administrations publiques
« La conduite d’une entreprise a trop longtemps été considérée comme une aventure dont les risques n’étaient pas toujours ressentis et mesurés pour ceux qui s’y adonnaient »37. Cette citation introduit le développement du contrôle de gestion dans l’entreprise qui a été transposé dans les services administratifs de l’Etat où son développement est imminent ( § 1.) ainsi que dans le cadre territorial où son émergence est relativement difficile ( § 2.). Ce contrôle apparaît comme une nécessité si l’objectif assigné en matière de développement des administrations se traduit en terme de qualité.
Paragraphe 1 : Le contrôle de gestion dans les services administratifs de l’Etat, en chantier
« La finalisation de la gestion des administrations publiques est longtemps passée pour une thérapeutique efficace de la bureaucratie. La direction par objectif a été érigée en modèle de 36
LAGET( J.J), BENAMOUR ( M.), Une expérience d’évaluation de politique locale: l’exemple du
département de l’Hérault , rev. Politiques et Management Publique, vol., pp. 105- 127.av
37
C.N.P.F., Le tableau de bord de l’entreprise, brochure de 1974
21
management et proposée aux administrations les plus dynamiques. Le contrôle de gestion séduit les managers-fonctionnaires à la recherche d’un nouveau langage et d’une nouvelle légitimité »38. En effet, la modernisation de l’administration entraîne corrélativement la naissance de ce contrôle et le comité interministériel à la réforme de l’Etat en fait une de ses priorités. L’intérêt de ce projet est la maîtrise du travail des hommes et de leur action pour une plus grande efficacité des travaux réalisés. Ainsi, le contrôle de gestion est né dans le secteur privé et peut être envisagé comme « un ensemble de procédures et d’une méthode de dialogue s’appuyant sur une large délégation de responsabilité, permettant à chaque responsable d’avoir des objectifs et des moyens cohérents dans le cadre d’une stratégie globale, permettant d’assurer que les objectifs seront atteints au moindre coût »39. Cette conception permet d’introduire un élément qualitatif qui constitue le moteur des finalités du secteur privé et qui contribue à améliorer les perspectives de gestion du secteur public. De plus, le développement de ce contrôle nécessite une responsabilisation de tous les services. En réalité, cette vérification est assimilée « à l’ensemble des procédures qui permettent de s’assurer que le fonctionnement et les résultats d’une organisation sont- à peu près – conformes à ce que l’on attendait,… »40 ce qui met en exergue la définition de l’efficacité de la dépense publique qui peut être envisagée comme étant la comparaison entre les objectifs déterminés a priori et les résultats atteints. De plus, ce contrôle pourra être réalisé en cours de projet ou a posteriori à des fins de correcteurs. Cette analyse est confirmée notamment par M. René DEMEESTERE41 qui qualifie le contrôleur de gestion comme « Monsieur efficacité », son rôle étant la détermination des sources de dysfonctionnements des services par le biais notamment d’un dialogue avec les responsables .
38
HUSSENOT ( P.), Pour un contrôle des quasi-objectifs des administrations publiques, rev. Politique et
Management Public, n°1, Hiver 1983 39
ENGEL ( F.), GARNIER ( P.), Le contrôle de gestion en univers administratif, rev. Politique et Management
Public, vol.1, n°1, Hiver 1983, p. 168 40
GIBERT ( P. ), La difficile émergence du contrôle de gestion territorial, rev. Politique et Management Public,
vol. 13, n°3, Septembre 1995, p. 207 41
DEMEESTERE ( R. ), op.cit. p. 89
22
En effet, la démarche est différente d’un contrôle classique puisque l’initiative provient des services des administrations et plus précisément de leur responsable. Dans ce cadre, le contrôleur de gestion dispose d’un rôle de promoteur en tant qu’il va inciter les services à avoir recours à ce type de contrôle afin d’accroître leurs performances par le biais de la diffusion d’outils d’information adaptés à leurs propres besoins. L’intérêt d’une telle démarche dépourvue de répression est une sensibilisation à une logique d’entreprise en ayant recours pour la réalisation d’un projet à la qualité des choix pour aboutir aux meilleurs coûts tout en ayant les mêmes résultats. De manière idéale, un tel système apporterait à chaque chef de service les outils nécessaires à la maîtrise de sa propre gestion ainsi que des renseignements sur l’efficacité de l’organisation. Toutefois, dans la pratique, la mise en place de ce contrôle se heurte à quelques obstacles car elle nécessite notamment des outils, indicateurs d’activités ainsi qu’une remise en cause du système de management de l’organisation. En effet, les services qui désirent disposer de cet élément de modernité doivent corrélativement accomplir un travail supplémentaire et disposer d’une organisation plus rigoureuse. De même, les outils ou indicateurs d’activité devront être suffisamment pertinents pour permettre la réussite du contrôle. Les outils pouvant être envisagés proviennent du secteur privé comme l’utilisation de tableaux de bord, la mise en place d’une comptabilité analytique, gestion financière, gestion prévisionnelle….Ainsi, MM COURSAGET et SIROT42 relève l’intérêt des tableaux de bords en évoquant : « concrétisant la confrontation permanente entre objectifs et réalisations, les tableaux de bords constituent le pivot d’un contrôle de gestion efficace »43. En effet, le tableau de bord est un outil qui permet à l’utilisateur de connaître ponctuellement, c’est à dire à chaque remise à jour , les problèmes existants par le biais de la diffusion de toute information nécessaire afin qu’un dialogue puisse s’engager entre les différents niveaux de la hiérarchie. Son intérêt est qu’il est attaché à un service donné et qu’il exerce une fonction de correction des choix effectués par l’administration ou d’une inefficacité dans l’engagement des deniers publics à l’appui d’un projet. Dans la pratique, les résultats ne furent pas si probant puisque ces tableaux de bord se sont révélés être trop complexes et difficilement utilisables.
42
Ingénieurs en télécommunication.
43
Les tableaux de bord aux télécommunications, revue française de gestion, Mai- Juin 1979.
23
Dans le même sens, les services administratifs pourront recourir à une comptabilité analytique qui est utilisé dans le secteur privé par l’ « utilisateur interne »44. Cet outil est essentiel dans le contrôle de gestion puisqu’il permet de « déterminer le prix de revient, c’est à dire d’attribuer d’une manière aussi équitable que possible à un produit donné la juste part des coûts qui lui reviennent »45. Toutefois, à ce stade, ce système produit toute l’efficacité requise s’il est réellement en mesure d’analyser le coût de l’opération soit si les études ont été sincères et que la personne chargée d’établir cette comptabilité ait eu tous les documents pour réaliser une analyse pertinente de l’impact de la politique publique poursuivie.
Toutefois , il apparaît que la machine est en quelque sorte lancée puisque le contrôle de gestion est voué à être généralisé dans toutes les administrations d’ici 2003 comme l’indique le relevé de décision du comité interministériel à la réforme de l’Etat du 12 Octobre 2000 par le biais d’un plan. Ce plan définira la stratégie, le déploiement du contrôle. Ainsi, la circulaire du 21 Juin 2001 relative au développement du contrôle de gestion précise la mise en place d’une structure de pilotage interministérielle mais aussi une structure propre à chaque ministère. Dans ce sens, cette circulaire précise la portée des engagements qui devront être pris pour la mise en œuvre d’un tel contrôle tel que la nécessité d’une « implication forte de l’encadrement de votre ministère » mais aussi la valeur conférée à ce projet au travers ces mots « Il nous paraît en effet essentiel que les responsables des services au sein de votre ministère considèrent le contrôle de gestion , non seulement, comme une obligation formelle mais comme une impérieuse nécessité qui requiert leur mobilisation et s’impose à eux comme le meilleur moyen pour optimiser le pilotage et le suivi des activités dont ils ont la charge »46 . Ainsi, une formation est prévue pour les agents accédant à un poste de responsabilité. De même, sa mise en place nécessite quelques recommandations afin de pouvoir analyser son évolution et son suivi. Il est préconisé de le structurer comme un projet avec l’aide d’une équipe chargée de le mettre en œuvre ainsi qu’un responsable de projet dans
44
VIGNERON ( J.M.), Introduction au contrôle de gestion, Paris : Dunod, 1972, p. 216
45
VIGNERON ( J.M. ), op. cité ,p . 217
46
Circulaire ….
24
le but de procéder à la fixation d’objectifs, qui doivent être pertinents ainsi que l’identification des étapes et l’utilisation des moyens nécessaires. Dans ce cadre, ce projet nécessite une démarche d’auto-évaluation qui permettra au sein de chaque ministère notamment et administration de pouvoir diagnostiquer sa propre situation afin d’adapter le contrôle de gestion à chaque cas. Ainsi, la procédure serait en quelque sorte rigoureusement la même pour chaque administration avec cette différence que le contrôle de gestion est adapté à chaque structure. Cette auto-évaluation constitue une sorte de prémisse à la mise en place du contrôle ainsi qu’un état des lieux de la situation permettant de pouvoir envisager les axes de développement. Enfin, pour que le contrôle ne perde pas son intérêt et sa précision, une évaluation régulière est requise et dans les ministères, cela se traduira par l’établissement d’un bilan annuel en fin d’année civile. Toutefois, cette introduction apparaît trop récente pour formuler un jugement sur l’efficacité de la procédure, simplement, les objectifs devront être cohérents et la structure bien organisée pour que cette entreprise produise des effets satisfaisants. De plus, l’intérêt de la transparence est à relever car un contrôle ne peut être efficace qu’avec toutes les données d’analyse. Sans ce facteur, ce sera voué à l’échec. Ce contrôle de gestion a émergé au niveau local mais sa mise en place se heurte à de réels problèmes.
Paragraphe 2 : La difficile émergence du contrôle de gestion au niveau local
« Une des voies qui s’ouvre aux communes dans la recherche d’une plus grande efficacité dans leur gestion passe par l’évolution des méthodes de gestion financière et par le développement d’un contrôle de gestion »47. Comme la structure étatique, les collectivités territoriales doivent avoir recours au contrôle de gestion dans leur quête d’efficacité de la 47
DEMEESTERE ( R.), L’évolution des méthodes de gestion financières des villes et l’introduction du contrôle
de gestion ,rev. Politique et Management Public ,numéro spécial : Les communes et le Management, vol.2 , n°4, Décembre 1984, p. 72
25
dépense publique. En effet, ce contrôle se révèle utile à une collectivité qui désire connaître les coûts, fréquentation de ses équipements, le service rendu… « Le contrôle de gestion est une procédure d’alerte capable de détecter, en temps réel, des dérives et de renseigner sur leur évolution »48. L’idée de mettre en place le contrôle de gestion dans la collectivité provient d’origines diverses, notamment d’influences extérieures mais, surtout, dans un souci de résoudre des problèmes, d’accroître la communication entre les services ainsi que la volonté de modernisation. Toutefois, l’inconvénient que l’on retrouve dans les collectivités est la faiblesse de mise en œuvre du dispositif. L’auteur Patrick GIBERT démontre bien ce souci : « La politique que constitue l’instauration ou l’innovation d’un système de contrôle de gestion peut avoir fait l’objet d’une élaboration méthodique et rigoureuse et ne donner cependant que des résultats décevants si sa mise en œuvre est faible »49. Alain Burlaud50 considère que, pour que le contrôle de gestion puisse être implanté dans les collectivités territoriales et produire ses effets maximum, il doit être adapté à la structure particulière des collectivités locales et plus généralement de tout organisme public en terme de taille, suivant le caractère répétitif ou non des tâches, le poids de la main d’œuvre ainsi que sa qualification,… Dans le même sens, Pierre Pariente51 constate que lorsque le contrôle de gestion est directement implanté du secteur privé à la complexité de la structure publique, cette expérience se conclut par un échec. En revanche, la mise en place de ce contrôle sera concluante et pourra remédier aux problèmes ponctuels si la collectivité recourre à « des approches contingentes » afin d’analyser l’organisation. Ceci constitue une sorte d’étude de faisabilité du projet permettant d’adapter le contrôle à la particularité de la structure comme le
48
VIEILLEVILLE ( J.), BREYTON ( M.), Guide de l’élu local, prévention des risques de gestion, Paris :
Dalloz, 1995 49 50
La difficile émergence du contrôle de gestion territorial, op.cité., p. 213 BURLAUD ( A.), Les méthodes et les outils du contrôle de gestion à l’épreuve de la diversité des
organisations, Séminaire CEPAG- FNEGE , 1995 51
Professeur à l’université de Paris X
26
décrit l’auteur : « Au cas par cas, l’implantation du contrôle rend souhaitable une analyse de la situation communale » et par ce biais le contrôle de gestion revêtira une nouvelle légitimité. Cette démarche d’analyse débute par l’émission d’un diagnostic sur la situation de la structure publique visant à définir les différents niveaux de responsabilités ainsi que l’analyse des pratiques de gestion en terme de fixation d’objectifs et de moyens mis en œuvre pour les atteindre. Ces prémisses permettent d’identifier les problèmes inhérents à l’organisation et de mettre en place le contrôle en fonction de ces paramètres. La seconde étape réside dans la formation des agents dont le rôle est de permettre une certaine cohésion au sein de l’organisation et qui vont aider à l’implantation du contrôle. De même, il apparaît nécessaire que chaque niveau de responsabilité comprenne l’intérêt de l’implantation d’un tel contrôle. Mais il ne faut pas minimiser la résistance aux changements que l’on peut rencontrer dans chaque structure. De plus, des outils sont requis notamment l’utilisation de la comptabilité analytique ainsi que les tableaux de bord contenant des indicateurs utiles à une innovation de ce type52. A titre d’exemples, la Ville d’Angers constitue une expérience réussie d’implantation du contrôle de gestion et durable puisque cela remonte à 1983. Michel Harcouët, contrôleur de gestion de la ville, précise que des approches contingentes ont été effectuées avant la mise en place de ce contrôle telles que la nécessité de sensibilisation du personnel administratif quant à l’opportunité du système. La ville a ,ainsi, investi dans la formation de 50 cadres pendant 12 jours. De plus, afin de pérenniser le contrôle, l’utilisation d’une comptabilité analytique, permettant de connaître le coût de chaque service, et de tableaux de bord a été faite suivant le principe du « reporting trimestriel des tableaux de bord » permettant de donner une information en temps réel. Enfin, la troisième étape d’implantation a consisté en une réunion annuelle axée sur le thème « bilan-objectifs » réunissant aussi bien les élus que le personnel administratif pour établir un bilan de l’année écoulée ainsi que les objectifs pour l’année n + 1. Toutefois, dès le départ, les élus ont assigné des objectifs relativement précis et quantifiables au personnel et ceci fût le moteur de la prise de conscience de recourir à l’utilisation de ce 52
PARIENTE ( P.), Intérêt des approches contingentes en contrôle de gestion : le cas des collectivités locales,
rev. Politique et Management Public, vol.16, n° 4, décembre 1988, p. 4- 8
27
système. Par contre, afin de poursuivre les objectifs de toute administration à savoir la poursuite d’une mission d’intérêt général et la satisfaction des administrés, certains services ont été supprimés et remplacés par d’autres plus enclin à poursuivre ces priorités. Enfin, une fois « la machine en marche », les années suivantes ont servi à la fixation d’objectifs annuels via les réunions « bilan-objectifs » permettant d’affiner la mise en place de ce système au fil du temps. De même, des indicateurs de satisfaction ont été instaurés afin de connaître tant l’avis des administrés que celui du personnel. Le bilan de cette expérience est relativement concluant car la ville n’a pas augmenté ses impôts et réalise plus d’investissements en s’orientant vers la voie de l’autofinancement53. Donc, une telle implantation requière de l’investissement et une motivation tant du personnel que des élus locaux dans le but de satisfaire les administrés. Les outils tels que la comptabilité analytique ainsi que l’instauration de tableaux de bord constituent des éléments indispensables de réussite de la mise en place de ce contrôle. Toutefois, la mise en place d’une telle structure est loin d’être unanime dans toutes les collectivités et Pierre Pariente constate avec désarroi que « le développement du contrôle de gestion dans les collectivités locales apparaît après plusieurs années de développement comme incomplet et imparfait »54. Cet état de fait est du, dans la majorité des cas, à une insuffisance de prise en compte des paramètres dans la conduite des projets, le suivi…Enfin, l’inconvénient majeur est la résistance aux changements et cela va se traduire par une non inscription du projet à l’agenda. Comme le dit Pierre Pariente, « le contrôle de gestion est donc victime sur le plan théorique et intellectuel d’une absence de conceptualisation suffisante, que les approches contingentes ne comblent pas »55. En effet, la mise en place de ce contrôle nécessite avant tout des personnes motivées par le changement. En revanche, la chambre régionale des comptes considère ce contrôle de gestion comme un outil efficace dans la conduite d’une action publique permettant de maîtriser les risques et d’éviter les dérapages administratifs. En effet, elle considère que certains domaines de la gestion locale nécessitent une attention particulière d’où l’adaptation d’un contrôle organisé. 53
Extrait du carnet de bord d’un contrôleur de gestion, synthèse de la journée d’études de l’institut de
management public 54
PARIENTE ( P.), op.cité., p. 9
28
Ainsi, à la lecture des lettres d’observations définitives56, la chambre régionale des comptes dégagent quatre conseils : « organiser les services de manière structurée, mettre en place un contrôle interne réellement opérationnel, disposer d’un tableau de bord de direction, mettre en place des tableaux de bord permettant de porter une appréciation sur les politiques menées »57.Ainsi, la chambre régionale des comptes de Champagne Ardennes constate dans sa lettre d’observations définitives du 5 Septembre 2001 que le département de la Marne est dépourvu de mécanisme de contrôle interne et d’audit mais que les services ont été réorganisés en 1995 afin d’assurer une meilleure cohésion entre l’action politique et l’action administrative. Toutefois, il lui apparaît relativement dommageable que certains services n’appliquent pas ces mécanismes de contrôle , étant une des voies privilégiées pour maîtriser les risques inhérents à la gestion. Dans le même sens, la chambre régionale des comptes de la région P.A.C.A58 met en exergue les efforts de restructuration de la communes de Digne les Bains en tant que la présentation des services permet une meilleure approche des coûts et des procédures ainsi que l’application de contrôles. Elle souligne que cette action engagée par la commune mérite d’être poursuivie59. Concernant le domaine d’intervention de ce contrôle, la chambre considère que ce système peut englober aussi bien les organismes privés financés par des fonds publics comme les grandes associations dans la poursuite de leur mission de service public, les établissements publics, les associations subventionnées. Toutefois, une réserve peut être émise concernant le taille de la collectivité, aucune étude n’a été réalisée sur les communes rurales et il semble que la mise en place d’un tel contrôle n’offre pas tous les avantages de satisfaction à cette échelle, ces collectivités ayant un nombre limité de services et un budget de faible ampleur. Par contre, les communautés d’agglomération semblent répondre à toutes les caractéristiques en terme de taille et de projets à réaliser.
55 56
PARIENTE, op.cité, p .15 on prendra cette appellation en terme générique étant conscient que la loi du 21 décembre 2001 les a
renommés « rapport d’observations définitifs » 57
L’activité 2001 des chambres régionales des comptes, Gaz.cnes., n°4/ 1637, 18 mars 2002 , p.68
58
Provence Alpes Côte d’Azur
59
Lettre d’observations définitives du 7 décembre 2000, in gaz.cnes., op.cité. p. 70
29
Si les chambres régionales des comptes considèrent que cet instrument importé des techniques du secteur privé est vertueux en terme de modernisation de la structure publique et tend à promouvoir sa généralisation, il apparaît évident que cela engendre une certaine efficacité de l’action administrative ainsi que de la dépense publique et corrélativement une meilleure qualité du contrôle de la gestion effectué par celle ci. Lors de leur contrôle, les magistrats portent un regard sur certains points qui seraient porteur d’efficacité de la dépense publique.
30
CHAPITRE II : LE POINT DE VUE DES MAGISTRATS INSTRUCTEURS PLACES AUPRES DES CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES
Section I : Les éléments pris en compte par les magistrats au titre de l’efficacité de la dépense
Lors de l’examen de la gestion d’une collectivité, les magistrats instructeurs veillent à regarder l’utilité publique de la dépense ( § 1) mais aussi regardent si les comptes présentés sont sincères et transparents ( § 2). Cette étude portera sur les collectivités locales mais aussi montrera les transformations affectant les services administratifs de l’Etat, en soulevant que les préoccupations des collectivités sont en fait d’ampleur nationale.
Paragraphe 1 : L’intérêt public de la dépense ou le non gaspillage des crédits
L’évaluation de l’efficacité de la dépense publique peut signifier un regard sur l’utilité de la dépense publique soit pour son intérêt public communal.
Cette préoccupation de la mesure de l’utilité de la dépense n’est pas récente et a émergé par le biais du calcul économique, principe dégagé par de grands administrateurs de l’Etat soit Colbert, Vauban afin de moderniser le domaine public. Exigence posée par l’influence de la philosophie des lumières et repris avec la révolution industrielle au XIXème siècle, cette
31
optique de gestion optimale perdure60. Dans le même sens, Jules Dupuit61 a réalisé une analyse sur les travaux publics et s’est proposé de mesurer l’utilité d’un objet en fonction du prix que chaque consommateur est prêt à payer pour l’obtenir.
Or, cette mission confiée à la chambre régionale des comptes figure dans les textes fondateurs de celle ci. En effet, L’article 87 alinéa 2 de la loi du 2 Mars 1982 reprend les pouvoirs conférés à la Cour des comptes par l’article 9 de la loi du 22 Juin 196762 relative à la Cour des comptes en tant que « elle s’assure du bon emploi des crédits, fonds et valeurs63 ». Le bon emploi des crédits induit une absence de gaspillage des deniers publics. Ainsi, force est de constater que la chambre régionale des comptes doit veiller lors de son contrôle à ce que l’utilisation des deniers publics soit conforme avec l’intérêt communal.
De plus, « l’utilité de la dépense est également un facteur important du consentement à l’impôt 64 ». En effet, l’impôt est une contribution qui permet à chaque citoyen de participer aux dépenses communes, élément de citoyenneté. Ainsi, sa détermination par les représentants de la nation marque le consentement à l’impôt comme l’affirme l’article 34 de la constitution du 4 octobre 1958 s’appuyant sur l’article 14 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 : « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique. » Ainsi, les rédacteurs de ce texte, en 1789, mettent en exergue un certain intérêt public de la dépense et pose une certaine qualité qui, malheureusement à cette époque, trouvera une réponse dans les grands principes budgétaires tels que l’universalité, l’annualité, l’unité et le dernier apparu, la spécialité65 plutôt que dans un développement d’une meilleure gestion.
60
QUINT ( A.), « L’échec de l’expérience française de RCB, une référence pour la réforme financière de
l’Etat », Mémoire de DEA de droit public dirigé par le professeur M. Lascombe, in Annales de l’école doctorale, n°4- 1996, pp. 295- 296 61
DUPUIT ( J.), « de la mesure de l’utilité des travaux publics », Annales des Ponts et Chaussées, 1844
62
Loi n° 67- 483, JO, 23 Juin 1967, p. 6211
63
Loi n°82- 213 du 2 Mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions,
JO, 3 mars 1982, p. 745 64
CHEVAUCHEZ ( B.), La dépense publique, au cœur de nos systèmes de finances publiques, RF fin.publ., n°
77, mars 2002, pp. 27- 32 65
CHEVAUCHEZ ( B.), La dépense publique,…, op.cité. ,p. 29
32
Toutefois, ce terme de « nécessité » peut constituer dans une optique de modernisation de la gestion un argument de poids pouvant engendrer un contrôle de l’utilité de la dépense publique. Concernant l’impôt, chaque contribuable a le droit de connaître les dépenses qui vont être effectuées selon le principe de la transparence et de pouvoir apprécier la qualité des dépenses. De plus, l’impôt sera d’autant mieux accepter s’il permet de financer des actions utiles. A ce propos, beaucoup de réflexions se sont engagées sur la réforme fiscale comme la recherche d’une meilleur combinaison entre l’assiette et le taux des impôts locaux notamment, la qualité de la législation fiscale, l’amélioration des modes de recouvrement par le biais de la réunion de la direction générale des impôts et de trésor public ce qui facilitera le dialogue avec les usagers, notamment, avec la mise en place d’un interlocuteur unique, …bref une série d’élément visant à améliorer le système fiscal français mis en exergue notamment par le rapport de Bert et Champsaur66. Dans ce cas, l’intérêt public s’apprécie en fonction de la satisfaction de l’intérêt général de l’action poursuivie. Cette notion a été explicité par Jacques Vieilleville et Marc Breyton considérant que « La notion d’intérêt communal a pris un relief particulier depuis la décentralisation qui a vu le nombre d’élus engager toutes sortes de dépenses somptuaires ou inutiles, parfois à des fins purement personnelles confondant la caisse publique avec leurs propres intérêts »67 .
A titre d’exemples, la chambre régionale des comptes du Nord Pas de Calais a constaté le 21 Septembre 1993, à propos de la commune d’Outreau, que l’achat d’un véhicule 205 GTI équipée d’un toit ouvrant, pneus thermogomme, peinture métallisée et d’un coût supérieur à 100 000 Francs n’était pas, forcément, conforme à « l’objet social » d’un centre communal d’action sociale. Cet exemple illustre le gaspillage des deniers publics.
Dans le même sens, la chambre régionale va apprécier la sobriété dans l’emploi des fonds public soit des dépenses jugées excessives, abusives ou injustifiées. Ces errements des exécutifs locaux constituent des exemples remarquables de gaspillage des deniers publics. Les exemples les plus significatifs concernent, notamment, la prise en charge abusive de repas à
66
Bert (T.), Champsaur (B.), Mission 2003, rapport sur la réforme de l’Etat, 1999
67
Guide de l’élu local, prévention des risques de gestion, op. cité. , p.201
33
caractère privé par la collectivité, des dépenses personnelles n’offrant aucun intérêt pour l’organisme ou la collectivité concernée, l’attribution de frais de représentation irrégulier à des fonctionnaires territoriaux, des frais de déplacements irréguliers, le versement d’un complément de rémunération par le biais d’une association subventionnée préalablement à cet effet,…68
Un autre élément peut être avancé selon lequel « la dépense publique n’est […] qu’un des instruments des politiques publiques »69 . Selon cette logique, analyser l’utilité de la dépense revient à regarder la qualité de la politique publique engagée. Cette préoccupation de l’efficacité des politiques s’est manifestée de manière relativement précoce dans le discours politique français. En effet, Valéry Giscard d’Estaing70, en 1971 évoquait le fait que l’administration devait rationaliser ses méthodes de travail dans un souci d’efficacité de ses actions71. Dans ce discours, le souci d’amélioration des méthodes de gestion se profile ainsi que l’utilisation du terme d’ « efficacité » sortant du langage de type économique. Dans le même sens, Jacques Chirac, Président de la République, rappelle le 7 mai 1996 dans la tribune adressée au quotidien Le monde, l’importance de « se poser la question de l’efficacité chaque fois que l’on engage l’argent du contribuable […]. Il faut apprendre à dépenser mieux. La dépense n’est légitime que si elle est efficace, ce qui suppose un examen critique et une constante évaluation. Cette efficacité ne passe pas bien au contraire, par l’augmentation indéfinie des interventions publiques.72 Cette préoccupation se concrétise en 1998 avec la création du groupe de travail sur l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, présidé par Laurent Fabius73 dont le travail tournait sur la question « Comment dépenser mieux pour prélever moins ? » De plus, la préoccupation de mesure de la qualité des politiques publiques passe par la définition d’objectifs et corrélativement par la comparaison avec les résultats obtenus. Dans
68
L’activité 2001 des chambres régionales des comptes, gaz.cnes, op.cité, p. 30- 37
69
CHEVAUCHEZ, op.cité, p. 30
70
à cette époque ministre des Finances
71
GISCARD D’ESTAING ( V. ), « Allocution d’ouverture de la première commission interministérielle de
RCB », Bulletin interministériel de la RCB ( Bull. int. RCB), numéro spécial, 1971, p.7. 72
CHIRAC ( J.), « Le chantier
73
Président de l’assemblée nationale
34
ce cadre, un changement de logique budgétaire est intervenu avec la loi organique du 1er Août 2001 relative aux lois de finances mettant en exergue une budgétisation par objectif succédant à l’obligation de moyens74. En effet, la connaissance de la performance publique nécessite des coûts ainsi que la mesure des résultats. Cette idée d’évaluation des politiques publiques n’est pas récente et s’est fortement développée dans les années 1980. Dans le même sens, Michel Rocard a rappelé dans une circulaire du 23 février 1989 relative au renouveau du service public le « devoir d’évaluation des politiques publiques ». Ce souci d’évaluation des politiques publiques75 afin d’améliorer la qualité de la gestion et de mieux mesurer l’intérêt public des dépenses envisagées a pris un essor important tant des les services administratif de l’Etat qu’au niveau local puisque la chambre régionale des comptes tente d’apprécier les résultats obtenus par la collectivité ou l’organisme contrôlé ainsi que l’efficience des moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs qu’elles se sont fixées. Toutefois, selon Pierre Van Herzele76, cette évaluation est difficile en pratique puisque les objectifs ne sont pas suivis dans la pratique et le projet est sans cesse modifié.
Enfin, le problème soulevé par cette notion d’utilité de la dépense publique se compte en terme d’opportunité. En effet, tant la chambre régionale des comptes que le comptable public n’ont pas le droit d’influer sur les choix de l’ordonnateur sans se heurter au contrôle d’opportunité. En effet, Gaston Jèze le notait déjà en 1912 : « les comptables n’ont pas à apprécier l’opportunité ou l’utilité d’une dépense faite par un ordonnateur. Il y aurait là un empiètement sur l’administration active »77. Ceci découle du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables qui est d’origine ancienne, introduit pour les recettes par des décrets du 24 vendémiaire et 17 frimaire an III, pour les dépenses dans une ordonnance royale du 14 septembre 1822, repris par la suite dans l’ordonnance du 31 mai 1822, et enfin systématisé dans le décret du 31 mai 1862 portant règlement général de la comptabilité publique78. Ce principe signifie, de manière stricte et simplifiée, que l’ordonnateur est l’organe de décision de la collectivité ou de l’organisme et le comptable est le seul à pouvoir 74
voir supra, p.
75
cf supra P.
76
commissaire du gouvernement auprès de la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais
77
JEZE (G.), Sciences des finances, Paris : Giard et Brière, 1912, p. 247
78
BOUVIER ( M.), ESCLASSAN ( M.C.), LASSALE ( J.P.), Finances publiques, coll. manuels, 4ème édition,
Paris : L.G.D.J., 1998, pp. 320- 352
35
manier les deniers publics. Ainsi, le comptable est astreint à effectuer un contrôle de la régularité des opérations effectuées par l’ordonnateur mais ne peut, en aucun cas, vérifier l’utilité des dépenses engagées. En effet, dès le départ, ce principe est fondé sur un principe de méfiance légitime du fait qu’une seule personne ne peut engager les dépenses et manier les deniers publics. A DVP OU A REPRENDRE
La chambre régionale des comptes est amenée à vérifier aussi la sincérité et la transparence des comptes publics qui sont les éléments indispensables à la qualité du contrôle. En effet, « La nécessité d'un contrôle a posteriori des collectivités locales n'est pas contestable. Il s'inscrit dans le droit fil de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 qui dispose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». L'existence d'un contrôle financier est la contrepartie de l'autonomie et des responsabilités des collectivités locales. Il participe d'une mission de régulation de la décentralisation et constitue un facteur de transparence de la gestion publique locale. »79.
Paragraphe 2 : Un regard sur la sincérité des dépenses et des évaluations effectuées
Le souci de sincérité et transparence des évaluations provient autant des administrations de l’Etat que des collectivités locales. Au niveau des administrations et des services de l’Etat, « Le conseil constitutionnel a élaboré progressivement une jurisprudence tendant à consacrer le principe de sincérité des lois de finances »80. Ce principe a été évoqué pour la première fois dans la décision du conseil constitutionnel 93-320 DC du 21 Juin 1993 à propos de l’examen de la loi de finances rectificative pour 1993. Dans le même sens, la décision du conseil constitutionnel 94-351 DC 79
AMOUDRY ( J.P.), Rapport n°325, Sénat 1999- 2000, p. 8 et OURDIN ( J.), Rapport d’information, n°520,
Sénat 1997- 1998, p. 13 80
MIGAUD ( D.), . Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi
organique, Document AN n° 2540, p.
36
du 29 Décembre 1994 a consacré un titre spécifique à la sincérité consacrée aux droits du parlement puisqu’une atteinte à ce principe tend à vicier le jugement que le parlement peut porter sur les comptes. Ainsi , ce principe de sincérité peut être défini sur un plan comptable comme l’application de bonne foi des règles et procédures en fonction de la connaissance que les responsables doivent avoir de la réalité ce qui implique que la comptabilité donne « des informations adéquates, loyales, claires, précises et complètes ». Ainsi, la sincérité des évaluations est appréciée en fonction de la « bonne foi » de l’ordonnateur et non sur la véracité de ses évaluations. Selon Alain Lambert, « La sincérité implique que les comptes ne cherchent pas à dissimuler des éléments, masquer des faits ou encore évaluer de manière biaisée des prévisions de recettes ou de dépenses »81. Dans ce cadre, il est possible d’avoir une manipulation comptable régulière avec une dissimulation de certaines opérations ou une mauvaise imputation. Toutefois, le groupe de travail sur l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, présidé par Laurent Fabius, a cherché un remède au manque de pouvoir du parlement en évoquant « Afin de permettre au parlement de se « réapproprier »les finances publiques, il convient d’améliorer sensiblement la transparence de notre procédure budgétaire »82. Au niveau des comptes de l’Etat, la transparence passe par une sincérité et une lisibilité des comptes. Dans ses grandes lignes, le groupe de travail préconise une présentation consolidée des comptes publics afin que le parlement puisse avoir une vision globale des comptes de l’Etat et de ses établissements publics ainsi que ceux des collectivités locales et les comptes sociaux, une présentation des dépenses de l’Etat en section investissement et fonctionnement afin d’apporter une dimension stratégique aux débats budgétaires. De plus, afin que le parlement procède à une évaluation « efficace », des études d’impact vont assortir les projets de loi. En matière de sincérité des comptes publics, outre l’introduction d’une comptabilité en droits constatés, il est intéressant de noter que le groupe de travail prévoit un renforcement du rôle de la cour des comptes qui ne procède plus qu’à une simple certification des comptes mais qui sera chargée d’évaluer le projet de loi de finances du gouvernement.
81 82
LAMBERT ( A.), rapport…. MIGAUD ( D.), Rapport du groupe de travail sur l’efficacité de la dépense publique et le contrôle
parlementaire, RIAN 3/99, 21 Janvier 1999, Sess. 1998- 1999
37
La loi organique du 1er Août 2001 a véritablement consacré ce principe de sincérité budgétaire en l’insérant dans un titre spécifique. En matière de vote du budget de l’Etat, cette introduction va permettre, notamment, de restaurer le pouvoir budgétaire du parlement qui approuvera un budget dont les évaluations ne sont pas empreintes d’insincérité. Ce principe de sincérité prévaut dans les collectivités en tant qu’instrument nécessaire du contrôle de la qualité de la gestion et permet un meilleur jugement de l’assemblée délibérante. En effet, d’après l’article L. 121- 6 du code des communes : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». Il est de même chargé de veiller à ce que les projets soumis à l’assemblée délibérante soient conformes aux intérêts communaux. A cet égard, il faut souligner l’importance du rôle dont l’organe délibérant est pourvu notamment en ce qui concerne le vote du compte administratif. L’ordonnateur de la collectivité locale a le devoir de tenir une comptabilité des opérations qu’il effectue. Par ce biais, il va dresser un compte administratif avec la comptabilité dite « comptabilité administrative » contenant toutes les opérations qu’il a effectué et lui permettant de suivre l’exécution du budget. Ainsi, ce compte administratif « …présente les résultats de l’exécution du budget en rapprochant, en recettes et en dépenses, les autorisations budgétaires et les opérations réellement exécutées »83. La mention « opérations réellement exécutées » montre parfaitement la mesure de la sincérité des évaluations puisque l’assemblée délibérante va être en mesure d’apprécier la différence entre les opérations prévues et les opérations réellement exécutées soit aussi bien l’efficacité du projet ainsi que la sincérité de l’évaluation. C’est l’article 7 de la loi du 22 Juin 1994 qui impose au représentant de l’Etat de procéder à « la vérification de la sincérité des inscriptions de recettes et des dépenses » dans le cadre du compte administratif.84 Dans ce cadre, l’assemblée délibérante exerce un rôle indispensable en tant qu’elle effectuera un contrôle politique sur la gestion de l’ordonnateur. Or, il est important de souligner que l’assemblée délibérante est composée en grande majorité par une équipe municipale dont les idées sont en accord avec le maire soit l’ordonnateur et que l’opposition étant très faiblement
83
LABIE ( F.), Finances locales, col. Cours Dalloz, série : droit public- sciences politiques, Paris : Dalloz, 1995,
p. 221 84
Article L 1612- 14 du code général des collectivités territoriales
38
représentée, il ne s’agit pas réellement d’un véritable contrôle, la majorité n’allant en général pas à l’encontre des choix de son « leader » ou de sa tête de liste. Toutefois, cette notion de sincérité des évaluations revêt une importance particulière en matière d’équilibre budgétaire puisque « L’insincérité des évaluations conduit naturellement à un équilibre irréel »85. Dans les collectivités locales, ce principe a été mis en exergue par le biais de l’article 8 de la loi du 2 mars 1982 en son article 1er : « Le budget est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d’investissement sont respectivement votées en équilibre, les recettes et les dépenses ayant été évaluées, de façon sincère, … ». Cette notion de sincérité des évaluations est très subjective mais elle introduit un élément qualitatif à la définition de l’équilibre ainsi posée. Toutefois, il faut ajouter que lorsque le budget est voté en déséquilibre, une procédure suivant les termes de l’article L 232- 5 du code des juridictions financières s’ouvrent selon laquelle : « Lorsque le budget d’une commune n’est pas voté en équilibre réel, la chambre régionale des comptes saisies par le représentant de l’Etat dans un délai de trente jours à compter de la transmission prévue à l’article L. 232- 7, le constate et propose à la commune, dans un délai de trente jours à compter de la saisine, les mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre budgétaire et demande au conseil municipal une nouvelle délibération. » En revanche, il ne faut pas minimiser cette importance de sincérité des comptes car comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport public de 1994 : « des comptes sincères sont un préalable nécessaire »86 à une certaine qualité de la gestion. Toutefois, force est de constater que l’appréciation de ce principe a priori est difficile à exercer. Mais, dans cette matière, il est intéressant de rapprocher le contrôle de gestion dont les collectivités peuvent se pourvoir dans un souci de modernité, qui apportera de l’information en temps réel sur un projet et pourra constituer une sorte de contrôle a priori. Par contre, la chambre régionale des comptes n’exerce qu’un contrôle a posteriori dont l’intérêt se résume à un simple constat de la chose réalisée… Toutefois, en pratique, ces insincérités se manifestent par le biais de sous-évaluations ou de sur-évaluations. La chambre régionale des comptes de Bretagne rappelle ce souci de sincérité
85
MUZELLEC ( R.), « La gestion financière : quelles innovations ? », RF fin..publ.., n°38, 1992, p. 85
86
Cour des comptes, Rapport public, Paris : les éditions des journaux officiels, 1994, p. 207
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des évaluations notamment dans la lettre d’observations définitives du 14 Juin 2001 où elle énonce pour la commune de Vitré : « Les écarts sont importants chaque année entre les prévisions budgétaires et réalisations en section d’investissement. Ils excèdent 50 % au cours de la période 1995- 1997… ». De plus, la chambre souligne l’importance des restes à réaliser87, soit la différence entre le montant des droits, pour les recettes, ou des obligations et le montant des titres ou des mandats émis, et conclut par le fait que « la pratique communale est bien celle d’une surévaluation régulière de ses prévisions budgétaires. »88. Dans le même sens, peut être considérée comme une atteinte à la sincérité budgétaire une inscription viciée des restes à réaliser comme le constate la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France à propos de la commune d’Issy-les-Moulineaux puisque les conditions relatives à une réelle inscription n’étaient pas réunies en tant qu’elle ne présentait pas « un caractère certain et suffisamment justifié »89. Enfin, la sincérité des évaluations constitue un axe essentiel dans la recherche de l’efficacité de la dépense publique car les prévisions seront effectuées de manière relativement exactes si bien que les études réalisées convergent et cela va permettre de réduire les risques d’écarts considérables entre les opérations prévues et le résultat atteint. Toutefois, la sincérité des évaluations nécessite une certaine transparence de la gestion locale afin de permettre une mesure de l’efficacité de la dépense publique et même une correction des politiques publiques inefficaces. Ainsi, les chambres rappellent fréquemment l’exigence de l’information des élus et des citoyens. Le domaine couvert par la transparence budgétaire couvre autant les comptes des collectivités locales, que ceux des établissements publics, des sociétés d’économie mixte et des associations. Cette information des élus passent par exemple, dans le cadre des centres communaux d’action sociale par l’établissement d’une analyse annuelle des besoins sociaux de la population couverte, analyse devant faire l’objet d’un rapport présenté en conseil d’administration. La chambre régionale des comptes pourra, en vertu de cette nécessité de transparence, constater l’intérêt du respect des droits de communication accordés aux élus comme le cas 87
qui sont équivalents à la procédure des autorisations de programme
88
Lettre d’observations définitives du 14 Juin 2001 de la chambre régionale des comptes de Bretagne à la
commune de Vitré
40
d’un conseil municipal qui n’a pas reçu les comptes rendus financiers et leurs annexes des sociétés d’économie mixte devant être soumis à l’examen du conseil municipal90. Enfin, les magistrats des chambres régionales des comptes étudient les manques de sincérité et y voit une cause d’inefficacité de la dépense publique, toutefois, afin de faciliter leur contrôle, la fixation d’objectifs semble une des voies privilégiées dans ce domaine.
Section II : Les incidences des lois de 2001 en terme budgétaire
Les réformes survenues cette année 2001 sont de véritables révolutions engendrant un changement de logique budgétaire au niveau du budget de l’Etat mais aussi au niveau des collectivités avec la nécessité de fixer des objectifs ( § 1.) ce qui a permis avec l’aide d’indicateurs de résultats de mieux connaître l’impact des politiques publiques mises en œuvre avec un contrôle de performance ( § 2. ).
Paragraphe 1 : La mise en place des objectifs , une nécessité
La modernisation de la gestion de l’Etat et des collectivités implique une réforme de la structure budgétaire orientée vers une fixation d’objectifs permettant la mesure des résultats atteints et, par ce biais, une meilleure responsabilisation des gestionnaires. Ainsi, il apparaît intéressant d’analyser la première tentative française de modernisation du budget de l’Etat. Cette expérience de RCB a été inspirée par l’instauration dans les administrations américaines du Planning Programming Budgeting System ou PPBS, méthode proposée par le ministre de la défense, R. Mac Namara, aux fins d’introduire la rentabilité dans les décisions budgétaires et dans l’organisation de l’administration ce qui est synonyme 89
Lettre d’observations définitives du 7 Juin 2001
90
Lettre d’observations définitives du 15 Novembre 2000 de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France à
la ville de Vitry-sur-Seine.
41
d’une certaine qualité de la gestion et est hérité entièrement de la logique de l’entreprise privée. Cette procédure mise en place dans ce ministère a offert des résultats concluants et consistait, en premier lieu, en la fixation d’objectifs à moyen terme après avoir réalisé une étude de la situation dans laquelle se place l’administration ( la phase de planning), en second lieu, une programmation de réalisation de ces objectifs sur une base pluriannuelle ( la phase de programming), puis la réalisation d’un découpage en tranches permettant d’adapter le programme au principe d’annualité du budget ( budgeting)
et enfin la réalisation d’un
contrôle de la réalisation du programme ( accounting). Ainsi, la mise en place de ce budget de programme est le moteur d’une prise de décision rationnelle. Toutefois, cette introduction a subi aux Etats-Unis un succès en demi teinte étant donné que leur droit budgétaire est spécifique et rigide. Ainsi, la RCB française consiste dans la transposition des méthodes du secteur privé au secteur public en poursuivant une démarche assise sur trois volets tels que la détermination des objectifs à assigner aux actions publiques, introduire les critères de rentabilité dans la gestion administrative par le biais du calcul économique91 ainsi que l’optimisation de la gestion administrative en fonction des résultats assignés à l’action publique92. Afin de mettre en oeuvre cette méthode, il fallait poursuivre quatre étapes soit : l’étude, la décision, l’action et le contrôle. Donc, la principale réforme induite par la RCB consiste en la mise en place d’une budgétisation par programme permettant la cohésion de la définition des objectifs, la mise en place des moyens nécessaires à leur réalisation, le contrôle de l’action ainsi qu’une programmation pluriannuelle. Ce programme peut être défini comme « une combinaison d’activités et de ressources en vue d’atteindre des objectifs définis à des termes fixés »93. Toutefois, il apparaît que la mise en place d’une telle structure dans les administrations centrales induisait inévitablement une modernisation de l’administration avec l’instauration d’une dynamique interne via le contrôle de gestion symbolisant une organisation interne plus efficace avec un contrôle ayant une fonction de correction des actions engagées non empreintes de performance. Ce système se
91
Cf infra, p.
92
SALLERIN ( G.), La RCB et la réforme de l’Etat ( histoire d’une ambition et postérité d’un échec), compte
rendu du mémoire d’Alexis Quint, rev.tres., n° 7, Juillet 1997 , pp. 423- 430 93
La RCB et la réforme de l’Etat, op.cité., p. 424
42
déclinait comme suit, dans une première étape, les ministres dépensiers devaient présenter à la direction du Budget du ministère de l’Economie et des Finances les actions à réaliser à moyen terme devant faire l’objet d’un programme ainsi que les sous programmes correspondants. Afin de pouvoir analyser la portée de la stratégie présentée, les ministres devaient joindre des explications sur les sous programmes relatant les moyens requis en terme de ressources utilisées, les résultats attendus ainsi que s’il y a lieu le découpage pluriannuel du projet. Puis, la seconde étape consiste à transformer les données des programmes pour les adapter à la ventilation traditionnelle du budget de moyens axé sur le chapitre selon l’article 7 de l’ordonnance du 2 Janvier 1959 relative aux lois de finances. Cette budgétisation s’est reportée sur le réseau administratif en créant des administrations de mission qui vont se manifester au sein des ministères par le biais de cellules d’études ainsi que des administrations déconcentrées s’illustrant avec des cellules d’actions, chargées de l’exécution des programmes. Toutefois, à ce stade, cette structure n’est pas compatible avec le principe d’autonomie budgétaire des administrations décentralisées. En effet, ce schéma met en exergue un pilotage de la cellule d’études et une exécution de la cellule d’actions. Toutefois, cette expérience de RCB s’est soldée par un échec et cette démonstration en constitue l’une des causes. De plus, la RCB avait comme enjeu une modernisation de la gestion mais qui passait par tous les stades aussi bien au niveau de la réforme budgétaire qu’au niveau interne et cette restructuration avait un coût ce qui a engendré une vive opposition et l’a conduit à sa perte. En outre, il faut retirer de cette expérience l’introduction d’un budget de programme. Cette idée originale n’est pas tombée dans l’oubli. En effet, bénéficiant d’une conjoncture exceptionnelle, la loi organique du 1er Août 2001 relative aux lois de finances94 est venue remplacer l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 en introduisant une nouvelle perspective en terme de fixation d’objectif. En effet, l’ordonnance organique mettait en exergue le chapitre comme l’élément de base de l’exécution de l’autorisation parlementaire95. Toutefois, cette nomenclature apparaissait comme peu responsabilisante et ne permettait de fixer
94
La loi organique du 1er Août 2001 relative aux lois de finances, JO Lois et Décrets, 2 Août 2001
95
PHILIPP ( L.), L’ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, coll. Documents
d’études, n° 5. 01, Paris : La documentation française, 2000 , p. 14- 15
43
clairement les objectifs et la politique poursuivie par le gouvernement même si le débat d’orientation budgétaire, fruit d’une pratique datant de mai 1996 et institutionnalisé avec la réforme budgétaire de 2001, permettait au parlement de connaître les orientations de la politique conduite par le gouvernement, en théorie. En effet, la pratique montre que la date du débat est trop tardive et il est marqué par l’absence d’un vote conclusif du parlement96. Ainsi, plus précisément, cette réforme poursuit d’une certaine manière l’entreprise de la RCB en prenant soin d’éviter les erreurs qui ont conduit à son échec soit « l’articulation entre rénovation de la gestion publique et refondation de la démocratie budgétaire »97. C’est un véritable bouleversement budgétaire puisqu’une logique de résultat succède à la logique de moyens en se fondant sur le triptyque : « objectif – résultats – contrôle » et non plus sur le sacro-saint chapitre. Ceci aura comme effet de clarifier la gestion publique, les finalités des politiques publiques étant mises en exergue ainsi que la mesure des performances par le parlement. En pratique, les crédits seraient regroupés au sein de 100 à 150 programmes ministériels fongibles au sein desquels les crédits seront redéployés. En ce sens, « les crédits sont spécialisés par programmes ou par dotations » selon les termes de l’article 7 de la nouvelle constitution budgétaire. Ce programme a pour fonction de regrouper « les crédits destinés à mettre en œuvre un ensemble d’actions relevant d’un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction des finalités d’intérêt général ainsi que des résultats attendus et faisant l’objet d’une évaluation » selon les termes du même article. De plus, ces programmes sont regroupés au sein d’une mission constituant une unité de vote des crédits. Toutefois, le gouvernement dispose d’une prérogative importante consistant en la création des missions et corrélativement des objectifs qui vont lui être assignés. A ce stade, la réforme ne pourra être couronnée de succès que si la définition des objectifs est pertinente. En effet, le parlement sera bornée à l’appréciation des finalités des missions et ne pourra en créer lui même. A ce stade, ce sera la pratique qui apportera la réponse à cette interrogation98. En revanche, cette nouvelle impulsion donnée par la réforme budgétaire étatique constitue une prémisse à une logique de modernisation qui s’étendrait à tous les niveaux administratifs. En 96
MIGAUD ( D.), Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi
organique, Document AN n° 2540, p. 206- 209 97
JOXE ( P.), A propos d’une réforme historique, RF fin.publ., n°76, Novembre 2001, pp. 29- 32
44
effet, il apparaît que cette fixation d’objectif constitue le moteur d’une modernisation de la gestion ainsi que de la réalisation d’un contrôle à visée correcteur en ce sens que cela permet de mieux définir la politique publique envisagée. Selon cette logique, l’hypothèse d’une influence de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances sur les collectivités locales apparaît logique puisque cette budgétisation d’objectif permettrait dans ce cadre d’apporter un contrôle de meilleure qualité aux magistrats et d’éclairer l’assemblée délibérante sur la politique publique envisagée. Didier Roguez partage ce point de vue et considère que si ces deux lois sont rapprochées, la fixation d’objectifs sera imposée aux collectivités et c’est à ce stade que se situera la vraie révolution. Cette hypothèse reçoit une orientation positive par le biais de l’article 36 de la loi du 21 décembre 2001 qui énonce : « L’examen de la gestion porte sur […] l’évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés par l’assemblée délibérante ou par l’organe délibérant »99. Cet article met en exergue la fixation d’objectif, la rendant obligatoire pour les collectivités et semble définir en quelque sorte l’efficacité de la dépense publique ou la mesure de celle ci. Toutefois, cette nécessité de fixation des objectifs dans les collectivités locales n’est pas une idée nouvelle puisque la loi n° 88-921 du 9 septembre 1988 sur la maîtrise d’ouvrage mais n’a jamais reçu application. En effet, les débats d’orientation budgétaire ont été instaurés dans les collectivités locales via la loi du 2 mars 1982 et il apparaît que les magistrats instructeurs , lors du contrôle de la gestion , ne se servent pas de cet élément, qui, dans la théorie, devrait fournir les orientations de la politique budgétaire. En effet, les objectifs n’étant pas clairement affichés, ce document qui devrait avoir une portée éclairante sur les choix de la collectivité et pour un meilleur contrôle ne donne que des informations très vagues aux magistrats. De plus, les magistrats voudraient une meilleure définition des besoins de la collectivité ce qui limiterait la prise de risque dans le lancement des politiques publiques et de permettre un contrôle de performance. Aussi bien au niveau du budget de l’Etat que celui des collectivités territoriales, l’accent semble être à la fixation des objectifs, élément indispensable à l’éclairage sur la politique publique. Toutefois, la mise en place de ces objectifs suppose des outils afin de permettre de mesurer la politique publique engagée.
98
MAHIEUX (S.), La loi organique relative aux lois de finances, RF fin. publ., n°76, Novembre 2001, pp.33- 50
45
Paragraphe 2 : Le contrôle de la performance financière et les indicateurs de résultats
Corrélativement à la nécessité de fixer des objectifs pour une amélioration de la gestion publique, la fixation d’indicateurs est inévitable dans l’optique de mesure des actions de politique publique. Dans le cadre de la RCB, des indicateurs de la performance du système ont été mis en place permettant de mieux connaître l’impact des actions définies. En effet, le budget de programme nécessite pour être performant une réactualisation des données ce qui suppose la mise en place d’indicateurs permettant d’orienter le budget sur la voie de l’efficacité de ses actions. En effet, « le contrôle de l’action dans le cadre des budgets de programmes consiste à surveiller et corriger l’application de ces budgets en se fondant sur une évaluation permanente des coûts et des résultats obtenus et ce par rapport aux objectifs. C’est là qu’intervient une batterie d’indicateurs définis au préalable. »100. La loi organique du 1er août 2001 prévoit que « les gestionnaires de programme doivent s’engager sur des objectifs et rendre compte chaque année des résultats obtenus101 ». Afin de pouvoir vérifier ultérieurement l’efficacité du programme envisagé par le gestionnaire, une série d’annexes doivent être jointes dans le projet de loi de finances et notamment le projet annuel de performance qui contient, dans un souci de lisibilité et de transparence, les objectifs fixés pour l’année n+1 , les résultats obtenus l’année n-1 et n et ceux attendus pour l’année n+ 1, les indicateurs utilisés pour leur mise en œuvre ainsi que les coûts associés à la réalisation du projet. De plus, la justification de l’évolution des crédits doit être donnée. Ce projet annuel sera comparé au rapport annuel de performance afin de pouvoir évaluer la politique mise en œuvre102. Cette analyse permettra d’envisager des correctifs sur les années suivantes aux politiques jugées inefficace en terme de dépense publique. Ces annexes constituent un outil
99
Loi du 21 décembre 2001 relative
100
QUINT, op.cité., p. 308
101
MAHIEUX ( S.),
102
MIGAUD ( D.), Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi
organique, Document AN n° 2540, p. 220
46
d’évaluation indispensable en terme de responsabilisation des gestionnaires et de mesure des interventions publiques. Ainsi, les indicateurs de programme consistent en des informations chiffrées qui permettent de mettre en évidence les caractéristiques de l’action administrative. Ils se présentent sous plusieurs formes tels que des indicateurs de performance, d’environnement, d’impact, de résultats et de moyens. Notons l’intérêt de l’analyse de la performance publique qui « vise à obtenir des informations fiables et régulières sur la contribution des politiques publiques à résoudre des problèmes collectifs et sur les aptitudes des institutions administratives à allouer de manière efficiente les ressources de l’Etat 103». La mesure de la performance s’appuie sur des indicateurs, nécessaires à la vérification de l’impact des objectifs envisagés par l’administration lors de la poursuite de son action. L’analyse des indicateurs de performance financière engendre l’association des ratios de risque de déséquilibre budgétaire ou d’insolvabilité. Cette analyse des ratios « concerne exclusivement les implications futures des décisions financières déjà prises, avant l’engagement d’un nouveau programme d’investissement et d’endettement104 ». De plus, ces indicateurs sont requis plus pour une évaluation que pour un contrôle soit une évaluation de l’action envisagée. Dans ce cadre, Jacques DEJEAN, Véronique BOURASSIN et Karine MORTREUX ont souligné la nécessité de se référer à des indicateurs d’actions permettant de mesurer la réalisation du programme et des indicateurs d’effets qui se réfèrent
103
KNOEPFEL ( P.), VARONE ( F. ), « Mesurer la performance publique: méfions- nous des terribles
simplificateurs », rev. Politiques et Management Publique, vol.17, n° 2 , Juin 1999, p 124
104
GUENGANT ( A.), Méthode des ratios et diagnostic financier des communes, RF fin.publ. n° 61, Février
1998, p. 105
47
aux normes et critères de réussite105. L’utilisation de ces deux types d’indicateurs permet une mesure plus complète de la performance financière. Ainsi, les indicateurs d’actions vont permettre de mettre en évidence si les résultats ont été atteints suivant les objectifs fixés au préalable. En revanche, les indicateurs d’effet vont mesurer les effets de l’action soient, en pratique, la satisfaction des usagers sur le programme envisagé, ceci résultant d’une démarche qualitative et étant un critère indéniable dans la mesure de l’efficacité d’un service et de la dépense publique. Cette batterie d’indicateurs est associée de manière étroite à la fixation des objectifs de l’administration. Toutefois, il est important de remarquer que les indicateurs sont pertinents pour une situation donnée et une administration donnée, en effet, il est nécessaire de veiller à respecter la spécificité des administrations dans la formulation des indicateurs de référence. La mise en place d’indicateurs de performance et de définition des objectifs engendre un contrôle des chambres régionales des comptes tourné vers l’évaluation des politiques publiques. Ainsi, l’évaluation va permettre de déceler une organisation insuffisamment structurée et des objectifs flous. En outre, elle se manifeste par la poursuite de trois finalités tendant à la mesure de l’efficacité, l’efficience et la pertinence des politiques locales mais aussi lors de leur contrôle, les chambres réalisent des évaluations conjointes de certaines politiques publiques et les chambres apprécient l’utilisation de l’évaluation des politiques publiques par les collectivités elles-même106. En effet, les chambres vérifient si les organismes concernés ont recouru aux techniques de pilotage interne tel que la mise en place de tableaux de bords, de contrôle de gestion interne dans une optique de performances publiques. A ce stade, cette évaluation réalisée par la chambre régionale tend à devenir une activité en expansion suite aux changements qui se produisent dans les administrations. Ainsi, les chambres régionales des comptes peuvent expérimenter cette méthode évaluative à l’occasion d’enquêtes inter-chambres débouchant sur la publication d’un rapport particulier. En effet, ce travail réalisé par plusieurs chambres sur un thème d’enquête commun permet de 105
Culture de l’évaluation et fascination pour les indicateurs, rev. Politiques et management public, vol. 16, n°
2, juin 1998, pp. 161-174 106
CRUCIS (H.M), op.cité., p. 455
48
dégager les initiatives à prendre ou pas comme l’exprime le rapport particulier à propos de la politique routière et autoroutière : « Disposant d’observations fondées sur la collecte de faits précis, tirés de l’examen des pièces et d’entretiens avec les gestionnaires, la Cour s’est estimée en mesure de procéder à une évaluation visant à apprécier, a posteriori, l’efficacité et la rationalité des choix opérés dans le cadre de la politique routière et autoroutière conduite en France au cours de la dernière décennie et les conditions de prise de décision107 ». De plus, les circulaires du premier ministre des 23 février 1989 et 25 janvier 1990 font ressentir la nécessité de cette évaluation des politiques publiques. Ainsi, l’idée émane d’utiliser des organismes existants dont la vocation est l’évaluation afin qu’ils constituent des instances permanentes, avec le cas échéant un redéploiement d’activités. Ces circulaires permettent d’envisager le rôle de la chambre régionale des comptes. En effet, leur activité, orientée vers le contrôle des politiques publiques dans le cadre du contrôle de la gestion, pourrait éventuellement s’étendre dans un contexte d’expertise permettant de conseiller les élus locaux afin de leur éviter d’éventuels risques de gestion108. Toutefois, l’évaluation des politiques publiques peut devenir réellement efficace si elle est effectuée a priori et ne se borne à une simple constatation des faits accomplis. Le rapport public particulier de la cour des comptes109 évoque cette nécessité d’un diagnostic préalable avec la fixation des objectifs poursuivis permettant une étude de la situation et des besoins. Pierre Van Herzele a évoqué cette nécessité de définir les besoins d’une collectivité locale comme étant une démarche vers l’efficacité de la dépense publique. De même, en ce sens, les magistrats des chambres régionales des comptes mentionnent dans leur lettre d’observations définitives , à titre d’exemples, la nécessité de maîtriser la globalité du programme de chaque opération d’investissement110.
107
Cour des comptes, La politique routière et autoroutière : évaluation de la gestion du réseau national, rapport
public particulier, Paris : les éditions des JO, 1992, p. 6 108
cf. Partie II, Chapitre 1, Section II, §1
109
Rapport public particulier, Les interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises, 1996, p.
98- 104 110
Lettre d’observations définitives du 13 juillet 2001 de la chambre régionale des comptes de Picardie à propos
de la communauté d’agglomération d’Amiens métropole
49
Toutefois, cette option semble se généraliser et à l’heure de la modernisation, il apparaît que les élus et les chambres régionales des comptes ne peuvent la contourner et orientent leurs objectifs vers cet instrument, moteur de performance financière et d’efficacité de la dépense publique.
50
PARTIE II : L’EFFICACITE DU CONTROLE DE LA GESTION DES CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES
51
CHAPITRE I : LA PROCEDURE DE CONTROLE DES MAGISTRATS DE LA CHAMBRE REGIONALE
Section I : La description de la procédure
Les magistrats des chambre régionale des comptes poursuivent une certaine procédure dans le contrôle de la gestion qui leur est propre en ce sens que chaque magistrat adopte sa méthode de travail ( § 1.) mais cette autonomie comporte certaines limites ( § 2.).
Paragraphe 1 : le choix des thèmes de contrôle
Le contrôle de la gestion découle du contrôle juridictionnel de l’examen des comptes. Ainsi, le magistrat instructeur va découvrir la plupart des cas de par ce biais. Rappelons que le champ d’investigation de la chambre régionale des comptes est relativement large111. En effet, sont susceptibles d’être soumis au contrôle de la gestion, outre les collectivités territoriales et leurs établissements publics selon l’art. L. 211- 8 du CJF, les organismes ayant un lien financier direct ou indirect avec les collectivités notamment les sociétés d’économie mixte locale, les groupements d’intérêt public et les groupements d’intérêt économique ainsi que les associations subventionnées. De plus, la loi du 6 février 1992 a complété le champ de compétence de la chambre avec la vérification des conventions relatives aux marchés ou aux délégations de service public. Ce sont des critères larges mais ce sera à la chambre et plus précisément au commissaire du gouvernement de montrer que les conditions de compétence sont remplies, par le biais d‘un avis, selon l’art. R 211- 2 du CJF.
52
Le seuil de compétence pour être contrôlé est que l’organisme doit avoir un apport de concours financier112 d’au moins 1500 ? . De même, une remarque préliminaire peut être effectuée, le contrôle est motivé aussi par des signalements pouvant provenir des juridictions pénales, administratives mais aussi des ordres de réquisition qui sont systématiquement transmis à la chambre régionale des comptes ainsi que les coupures de presse. Ainsi, beaucoup de critères peuvent influencer le contrôle comme le délai écoulé depuis le dernier contrôle, l’importance de la collectivité… A ce propos, la rencontre avec Didier Roguez, conseiller à la chambre régionale des comptes du Nord Pars de Calais, a permis de connaître la démarche poursuivie par les magistrats dans la procédure de contrôle de la gestion. Ainsi, avant chaque contrôle, le magistrat consulte le dossier permanent dont dispose la chambre régionale qui relate l’ensemble des données sur l’organisme contrôlé notamment si l’organisme ou la collectivité a fait l’objet d’un précédent contrôle et les remarques que la chambre a soulevé dans ce cas ainsi que les suites qui ont été données aux observations. De plus, lorsqu’il s’agit du contrôle d’une collectivité territoriale, le compte administratif est étudié sur plusieurs exercices de l’ordre de 4 ou 5 ans. Toutefois, ce cas n’est pas une généralité, les magistrats peuvent toujours remonter plus loin dans le temps. Un autre point important est l’analyse financière de la collectivité qui consiste en « une méthode de choix des investissements adaptée aux préoccupations des collectivités locales »113. Cette analyse constitue une approche plutôt en terme quantitatif des finances locales que qualitative. Plus précisément, cette analyse financière permet de mettre en évidence l’évolution des grandes masses et dans cette matière, l’utilisation de ratios établis par la direction générale des collectivités locales est requise afin de fournir des éléments de comparaison. Au final, les magistrats pourront avoir une idée précise de la situation financière de la collectivité locale. L’intérêt de cette analyse est l’émission d’un diagnostic ainsi que la 111
CRUCIS ( H.M.), Droit des contrôles financiers des collectivités territoriales, coll. AJDA, Paris : Le
moniteur, 1998, pp. 380 -382 112
quelque soit la forme : subventions, prêts, garanties d’emprunt mises en jeu, …
53
détection de zones de risques de la collectivité pouvant influer sur l’équilibre des comptes de la collectivité. De même, si d’éventuels facteurs de déséquilibres sont mis en évidence, le contrôle peut être ensuite étendus aux organismes liés à la collectivité. Ainsi, l’analyse financière constitue une sorte de moteur influençant de nouveaux contrôles de la gestion. A la suite de cette première étape, des thèmes de contrôle semblent se dégager de façon évidente mettant en exergue les faiblesses de l’organisme. De plus, les magistrats vont regarder si la collectivité est concernée par les thèmes de contrôle communs entre la cour des comptes et la chambre régionale des comptes. En effet, les juridictions financières mènent des travaux en commun sur des réglementations et des procédures ainsi que sur des politiques publiques. A titre d’exemples, des enquêtes communes ont été réalisées sur le revenu minimum d’insertion, sur les casinos, sur la politique de la ville…. L’intérêt de cette association est « d’appréhender de manière complète les opérations bénéficiant de financements d’origines multiples : européens, nationaux locaux, et qui relèvent du contrôle soit de la cour, soit des chambres régionales des comptes »114. Une fois, les études préliminaires effectuées, le contrôle par lui-même est engagé et cette démarche se concrétise par l’envoi à l’ordonnateur d’un courrier du président de la juridiction lui signalant que la chambre va entamer un examen de sa gestion selon l’article 112 du décret du 23 août 1995. Dans cette lettre, le président de la chambre fait mention de nom du conseiller nommé pour instruire l’affaire. En pratique, la lettre précisera les enquêtes thématiques auxquelles la chambre participe, faisant l’objet de rapport particulier, ce qui permettra à l’ordonnateur concerné de situer le contexte du contrôle. Toutefois, dans un autre cas, la chambre ne précisera pas l’objet du contrôle afin que la collectivité ne procède pas à l’épuration des dossiers « à risque » ou pouvant disparaître…Pour ces dossiers sensibles, ce sera sur place que le conseiller et l’assistant de vérification procèderont au dépouillement. Ainsi, le magistrat procède à l’étude des liasses soient les comptes produits par le comptable. Plus précisément, selon BOYER et CASTELNAU, « La liasse est au comptable, donc au magistrat qui le contrôle, ce que la rivière est à la truite, à savoir : l’élément hors duquel la 113
GUENGANT ( A.), Analyse financière des collectivités locales et incertitude, rev. Politiques et
ManagementPublic, vol. 13, n° 3, Septembre 1995, p. 128 114
Rapport de la cour des comptes, 2000
54
survie est impossible »115. Ainsi , ce document constitue un énorme paquet ( 3 à 5 Kg) où le magistrat va puiser les preuves irréfutables de l’irrégularité. Dans un premier temps, il procèdera à l’envoi de questionnaires à l’organisme contrôlé concernant, par exemple, des demandes d’organigrammes, des détails sur les procédures de passation des marchés publics ainsi que des demandes de fichiers de fournisseurs permettant notamment d’affiner les critères de choix du thèmes de contrôle. Puis, et pour les organismes présentant une masse financière importante, le conseiller à la chambre régionale des comptes ira sur place ce qui lui permet un gain de temps ainsi qu’un échange avec le contrôlé. De plus, le magistrat pourra poser des questions de plus en plus précise afin d’affiner sa réflexion et le contrôle. De même, le magistrat poursuit la procédure par la prise de contact avec l’ordonnateur de la collectivité ou de l’organisme concerné. Lors de l’entretien, le magistrat exposera les domaines contrôlés tout en réservant la possibilité d’étendre le contrôle si les éléments découverts s’y prêtent. Il est à noter que, dès la création des chambres régionales des comptes, aucun texte ne régissait le caractère contradictoire de la procédure. Toutefois, l’usage de la cour des comptes, repris par les chambres régionales des comptes, était que le magistrat rencontre l’ordonnateur afin de lui faire part de ses principales constatations et ce à l’issue du contrôle. Ainsi, la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 dite « loi Galland » a consacré le principe d’un entretien préalable avec l’ordonnateur et a modifié l’article 87 de la loi du 2 mars 1982 en ajoutant à propos des observations que celles « ne peuvent être formulées sans un entretien préalable entre le magistrat rapporteur ou le président de la chambre et l’ordonnateur de la collectivité concernée ». De plus, cet entretien permet de réduire la marge d’erreur de la chambre. Toutefois, pour des dossiers importants, certaines chambres peuvent communiquer des éléments écrits en vue d’une meilleure préparation de l’entretien préalable permettant à l’ordonnateur de répondre de façon plus ou moins pertinente aux questions posées par le magistrat instructeur 116.
115
BOYER ( B. ), CASTELNAU ( R. DE ), Portrait des chambres régionales des comptes, col. Décentralisation
et développement local, Paris : L.G.D.J., 1997, p. 137 116
CHARTIER (J.L), DOYELLE (A.), Les procédures contradictoires des chambres régionales des comptes,
l’activité des chambres régionales des comptes, AJDA , 20 novembre 1991, p. 773
55
Pour ce type d’entretien, le magistrat peut se déplacer au siège de la collectivité. Il est à noter que la présence du président de la chambre est très rare et se limite à des affaires particulièrement importantes ou lorsque l’ordonnateur en a manifesté le désir. De plus, la loi du 6 février 1992 a étendu l’entretien préalable aux ordonnateurs qui étaient en fonction lors de la période contrôlée et ce qu’ils soient encore ou non en fonctions. La loi du 29 janvier 1993 a donné pouvoir aux magistrats d’auditionner toutes personnes mises en cause dans les observations. Ainsi, ces lois récentes permettent aux magistrats de disposer de tous les moyens nécessaires pour la réalisation d’un bon contrôle. Cette phase est très importante car elle conclut l’instruction et précède la délibération de la chambre117. Une fois ces études réalisées et suite à l’entretien préalable avec l’ordonnateur, le magistrat va procéder à la rédaction d’un rapport. Ce rapport contiendra l’ensemble des observations que le conseiller formulera sur la gestion examinée et sera signé par le magistrat puis déposé aux greffes. Les suites de la procédure présentent quelques changements par l’introduction de la loi du 21 décembre 2001.
Paragraphe 2 : Les suites de la procédure à la lumière de la loi du 21 décembre 2001
Ainsi, ce rapport rédigé par le magistrat instructeur constitue en quelque sorte la clôture de la phase d’instructions. En effet, il permet de relater le travail réalisé par le magistrat et décline toutes les étapes de la réflexion du conseiller lui permettant d’aboutir à ces conclusions et même les fausses pistes sont décrites dans le rapport. Afin d’éclairer la formation délibérante, le magistrat marque chaque point par une apostille présentant son point de vue et des apostilles « visa » constituent les éléments que le rapporteur juge intéressant d’insérer dans la lettre d’observations définitives. De plus, des mentions peuvent être faites sur la nécessité
117
CHARTIER (J.L), DOYELLE (A.), Les procédures contradictoires des chambres régionales des comptes,
l’activité des chambres régionales des comptes, AJDA , 20 novembre 1991, pp. 771- 774
56
d’un contrôle d’un organisme associé,
mention étant susceptible d’être reprise lors de
l’élaboration du programme de travail de la chambre118. Sur un plan formel, le rapport sera étayé de toutes les pièces que le magistrat a utilisé lors de son analyse. Une fois établi, ce rapport sera déposé sur le bureau du président de section qui le signera. De plus, ce rapport pourra être transmis au ministère public qui pourra intervenir à ce stade de la procédure selon les attributions qui lui sont conférées par l’article 25 du décret du 23 août 1995 et fera part de ses conclusions mais ceci n’est pas une obligation juridique. Enfin, ce rapport sera inscrit à l’ordre du jour du délibéré de la chambre réunie en formation plénière ou restreinte selon l’importance du dossier examiné. De manière pratique, l’article 16 du décret de 1955 précise que la formation délibération doit comprendre un nombre impair de magistrats. Ainsi, ce sera un rapport annuel du président de la juridiction, pris après avis du ministère public, qui fixe la composition et la compétence des formations distinctes de la plénière119. En séance, le rapporteur présente ses observations, en premier lieu, en prenant soin d’indiquer à la chambre les observations méritant d’être intégrées dans la lettre provisoire. A noter que l’assistant de vérification prend part au délibéré mais ne dispose pas du droit d’être entendu. Puis, le commissaire du gouvernement prend la parole s’il est présent et s’il a des conclusions à formuler. Enfin, les magistrats présents dans la formation vont donner leur avis sur les conclusions du conseiller et l’ensemble va débattre sur les éléments à insérer dans la lettre provisoire. Afin de régler les éléments problématiques, un vote sera organisé dans l’ordre interne du tableau. A l’issue du délibéré, le président consigne les apostilles définitives sur l’exemplaire original du rapport. Une fois le délibéré achevé, le rapporteur ayant instruit l’affaire doit rédiger la lettre d’observation provisoire en fonction des positions arrêtées par la collégialité, puis il sera procédé à une relecture par le président de section et le président de la chambre régionale des comptes qui y apporteront des corrections éventuelles. Selon l’article 7 du décret du 23 août
118
BOYER, CASTELNAU, op.cité., p. 156-158
119
MILLER (G.), vers un droit des procédures propres aux juridictions financières, rev.tres., n°2, février 1997,
p. 92
57
1995, le président de la juridiction sera chargée de signer la lettre d’observations provisoires définitivement rédigées ou pourra déléguer cette tâche au président de section. Une fois établie, la lettre doit être transmise à l’ordonnateur de la collectivité, selon les termes des articles 114 al. 1 et 123 du décret de 1995 afin que celui-ci apporte ses commentaires sur les observations motivées de la chambre régionale des comptes ainsi que les ordonnateurs sortis de fonction, le cas échéant ( art.114 al. 2 dudit décret) et les personnes nominativement ou explicitement mises en cause ( art. 114 al. 4). La transmission de ces lettres est régie par la confidentialité et corrélativement ne relève pas de la loi n° 78- 753 du 17 juillet 1978 relative à l’accès aux documents administratifs120. Dès réception, l’ordonnateur dispose d’un droit de réponse écrit dans un délai imparti fixé par la chambre elle même et ne pouvant être inférieur à un mois. Toutefois, l’article 42 de la loi du 21 décembre 2001 a encadré ce délai de réponse écrite dans les deux mois. Ainsi, après transmission aux greffes de la chambre régionale, les observations pourront être arrêtées ou à défaut, à l’expiration du délai. A ce stade, la loi n° 90- 55 du 15 janvier 1990 relative au financement des partis et des campagnes électorales a posé le principe de la communication des observations définitives à l’assemblée délibérante ce qui a eu comme conséquence un accroissement du taux de réponse et est révélateur d’une prise de conscience des implications de ces observations sur la vie locale. De plus, la lettre d’observations provisoire doit indiquer à l’ordonnateur la possibilité qu’il a de demander une audition aux magistrats ( art. 114 du décret de 1995). Cette tenue d’audition constitue un préalable éventuelle à l’adoption d’observations définitives selon les termes de la loi n° 93- 122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Toutefois, cette audition ne remet pas en cause la prévalence de l’écrit mais permet à l’ordonnateur « d’expliciter oralement ce qui est parfois malaisé à rédiger : l’environnement particulier d’une affaire »121. Ainsi, l’entretien préalable, la réponse écrite et le droit à audition constitue la manifestation du principe du contradictoire. De plus, ce principe est mis en exergue par la règle du double 120
CHARTIER ( J.L), DOYELLE ( A.), Les procédures contradictoires des chambres régionales des comptes,
AJDA , 20 novembre 1991, p. 772 121
MILLER ( G.), op.cité., p. 90
58
arrêt. Toutefois, ce principe doit être concilié avec la confidentialité car la chambre régionale des comptes doit prendre toutes les diligences pour garantir le secret de ses investigations ( art. L. 241- 5 du CJF) et ses propositions, rapports et travaux doivent être couverts par le secret professionnel ( art. L. 241-6). L’inconvénient est que l’ordonnateur n’est pas astreint à la confidentialité, en effet, même si la lettre porte la mention « confidentiel », il peut y avoir des fuites et ce cas de figures est d’autant plus fréquent en période d’élection municipale122. Le rapport HOEFFEL
123
a mis en évidence la médiatisation excessive des observations
provisoires comme susceptible de porter atteinte aux élus. Ainsi, « il est indispensable que les destinataires des lettres d’observations provisoires prennent conscience qu’il existe , de fait, une obligation réciproque de confidentialité entre eux et la juridiction financière… »124. Toutefois, rien ne peut contraindre les destinataires à respecter ce conseil préconisé par la Cour des comptes. Or, il apparaît néanmoins que certains éléments soient respectés afin que la confidentialité soit presque totale puisque les rapporteurs n’envoient des observations qu’aux personnes strictement et limitativement concernées qui n’ont pas intérêt à ce que soient rendues publiques les observations portées à leur égard. Ceci tend à limiter la divulgation125. Puis, le rapport, l’examen des réponses et l’audition éventuelle donnent lieu à un second délibéré collégial où les règles de procédure et les tours de parole sont réalisés de manière équivalente au premier délibéré. De plus, le commissaire du gouvernement expose ses éventuelles conclusions. Une tendance dévoilée par le rapport HOEFFEL tendrait à systématiser cette pratique afin que le ministère public puisse notamment apprécier « la légalité de la procédure »126 . Toutefois, il semble que cette idée n’ait pas été retenue par la loi du 21 décembre 2001. Ainsi, la collégialité va déterminer les observations devant figurer dans la lettre d’observations définitive en prenant soin de trier celles ci , entre celles dont l’exactitude n’est 122
BERTUCCI ( J.Y), MILLER (G.), Les chambres régionales des comptes entre respect du contradictoire et
préservation de la confidentialité, Petites Affiches, 23 juin 1997, n°75, p. 6-7 123
Rapport HOEFFEL, op.cité, p. 13
124
Rapport de la cour des comptes au président de la république, 1996, p. 290
125
BERTUCCI, MILLER, op.cité, p. 5-6
126
Rapport HOEFFEL, op.cité., p. 13
59
pas contestée et celles dont les irrégularités soulignées par la chambre ont fait l’objet d’une régularisation. De plus, la collégialité prendra en compte la réponse écrite de l’ordonnateur ainsi que l’audition. Toutefois, certaines désillusions apparaissent à ce stade puisque l’ordonnateur ayant, à son sens, fourni une « bonne argumentation » se retrouve parfois et le plus souvent surpris à la lecture de la lettre d’observations définitives présentant, outre les faits régularisés, les mêmes observations que la lettre provisoire127. A ce stade, la loi du 21 décembre 2001128 a changé le terme de lettre d’observations comme l’indique l’article 42 de la loi précitée : « Art. L. 241-11. CJF - Les chambres régionales des comptes arrêtent leurs observations définitives sous la forme d'un rapport d'observations. ». De plus, l’article L. 241- 11 du CJF prévoit que l’ordonnateur dispose d’un délai d’un mois pour répondre au rapport d’observations ce qui lui permet de se justifier aux yeux de l’assemblée délibérante et de ses administrés. Dans ce cas, la loi prévoit que la réponse de l’ordonnateur sera insérée en annexe au rapport communicable à l’assemblée délibérante ce qui permet de leur donner un réel impact129. Dans cette procédure du contrôle de la gestion, deux remarques peuvent être effectuées soient le fait que les magistrats d’une autonomie particulièrement étendue en terme de contrôle et que les procédures de contrôle ne sont pas homogènes dans toutes les chambres régionales.
Section II : Les caractéristiques du contrôle des chambres régionales des comptes en terme d’autonomie
Le contrôle des chambres régionales des comptes est caractérisé par un important pouvoir d’investigation des magistrats ce qui leur confèrent une autonomie relativement large ( § 1. )
127
BOYER, CASTELNAU, op .cité., p. 162
128
Loi n°2001- 1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des
comptes, JO n° 299 , 26 décembre 2001, p. 20575 129
cf supra, Partie II, Chapitre 2, Section I , § 1
60
mais l’autonomie peut aussi être perçue en terme d’indépendance des chambres entre elles du fait que, par principe, aucune procédure n’est commune aux différentes chambres ( 2 . ).
Paragraphe 1 : L’autonomie des magistrats et leurs limites en terme d’opportunité
La chambre régionale des comptes est relativement autonome en ce qui concerne le choix des organismes contrôlés. En effet, dans la plupart des cas, la vérification de la gestion verra l’auto saisine de la chambre régionale des comptes. Tout d’abord, les magistrats disposent d’une certaine indépendance qui résulte de son statut tel que son inamovibilité, des obligations auxquelles il est tenu, de celles qui découlent de sa prestation de serment ainsi que des garanties procédurales. Les magistrats130 disposent de pouvoirs d’investigation relativement étendus qui leur sont attribués par le code des juridictions financières qui dispose en son article L. 241- 2 : « les magistrats des chambres régionales des comptes disposent, pour l’exercice des contrôles qu’ils effectuent, de l’ensemble des droits et pouvoirs attribués à la Cour des comptes(…) » soit, selon l’article 12 du décret n° 83- 224 du 22 mars 1983 : « les rapporteurs procèdent, sur pièces et sur place, aux vérifications qui leurs sont confiées (…) ». Ces articles tendent à mettre en évidence un large pouvoir de communication. En effet, rien ne peut leur être opposé puisqu’ils ont accès aux logiciels informatiques et aux données ( art. 31du décret du 23 août 1995) ainsi qu’aux immeubles ( art. 32). Dans ce sens, le secret professionnel est levé puisque les fonctionnaires qui y sont astreints doivent répondre aux auditions des conseillers et ne peuvent leur opposer des informations par ce biais. De plus, l’obéissance hiérarchique ne peut être levée. Toutefois, la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption a renforcé ce pouvoir d’investigation puisqu’un délit réprimant l’entrave opposée aux juridictions
130
Rappelons que les magistrats qui composent la chambre régionale des comptes appartiennent à deux corps de
magistrats distincts : les conseillers, corps de magistrats, chargés d’instruire l’affaire et de rapporter devant la formation délibérée, ainsi que le président de la juridiction, conseiller à la Cour des Comptes.
61
financières dans leur enquête a été institué consistant pour les chambres régionales des comptes à demander au juge pénal de se prononcer sur ce type de délit pouvant être puni jusqu’à 100 000 francs selon l’article L. 241-1 du CJF . Cette innovation apparaît comme relativement efficace et constitue un poids supplémentaire pouvant éviter les désagréments rencontrés chez les contrôlés soit une certaine lenteur dans les réponses aux attentes des conseillers. Les conseillers peuvent se faire assister d’un experts « pour des enquêtes de caractère technique »131 dont les prérogatives sont énoncées dans la lettre de service du président de la chambre régionale des comptes affectant le magistrat et son assistant à la vérification d’un tel organisme. Cette intrusion dans la vie de la collectivité ou de l’organisme concerné est souvent mal ressentie . Face à cela, certains élus n’hésitent pas à présenter une totale transparence dans le but que cette attitude positive minimise la « sévérité » des observations.
Le code des
juridictions financières (art. L. 241-12) prévoit que les ordonnateurs d’une collectivité puissent avoir recours à un avocat en ta,nt qu’assistant ou représentant. Toutefois, cette option est rarement utilisée sauf si la situation s’y prête réellement. Une atteinte relative peut être portée à l’autonomie de la chambre régionale des comptes dans son pouvoir d’auto saisine. En effet, la loi n° 92- 125 du 6 février 1992 a mis en place la procédure des demandes motivées permettant au représentant de l’Etat dans la région ou le département ou à l’autorité territoriale de faire une demande de contrôle de la gestion à la chambre régionale des comptes. L’inconvénient est la définition des autorités territoriales. En effet, CASTELNAU et BOYER132 considère que ce terme tend à réserver les demandes motivées aux seuls ordonnateurs de la collectivité. Cette approche ne serait-elle pas trop réductrice en ce sens qu’un administré voyant la gestion d’une collectivité se dégrader n’aurait pas intérêt à agir ? surtout que cette procédure est motivée par « l’intention d’améliorer la transparence des gestions locales »133. En réalité, la pratique tend à prendre en 131 132
Art. L. 241-3 du CJF Portrait des chambres régionales des comptes, op.cité., p. 186-189
133
MILLER ( G.), « Vers un droit des procédures propre aux juridictions financières », Rev.tres., n°2, Février
1997, p. 86
62
considération ces lettres anonymes pour la plupart motivées de l’intervention des citoyens, protecteur des deniers de leurs impôts. Ainsi, si ces demandes sont rejetées pour défaut de qualité du demandeur, celles-ci pourront être intégrées, si les remarques sont pertinentes, dans le cadre d’une future programmation. Bien entendu la demande doit concerner un organisme susceptible de pouvoir faire l’objet d’un contrôle. En outre, le président de la chambre conserve la faculté de refuser de programmer ce contrôle et cette demande n’équivaut pas à saisine même si, lorsqu’elle décide de regarder la gestion, elle contrôle l’ensemble de la gestion134. Cela permet aux chambres si elles répondent favorablement à leur interlocuteur de délimiter le champ d’investigation, n’étant pas borné aux appréciations du demandeur. En effet, « ni délais, ni critères, ni modalités d’acceptation ou de refus n’ont été prévus ou réglementés.(…) La volonté du législateur semble donc ne pas avoir été de préserver en l’espèce l’autonomie de décision des chambres dans la programmation de leurs contrôles135 ». Il apparaît que cette procédure est relativement peu utilisée sauf, en 1995, année de renouvellement électoral. En effet, ce phénomène est peu surprenant puisque les candidats cherchent via le contrôle de la gestion du maire sortant à attirer les voix en leur faveur et force est de constater que dans cette mesure le contrôle de la gestion dispose d’un impact important. Une atteinte manifeste à l’autonomie du magistrat se voit en terme de l’opportunité. En effet, les magistrats ne peuvent porter de jugement sur les choix des élus à savoir sur l’intérêt de la construction de telle réalisation. Toutefois, l’évaluation des politiques publiques locales qu’elles effectuent poussent les magistrats à apprécier l’impact des choix des élus mis en exergue par des preuves financières. Ainsi, si l’opportunité de fait n’est pas franchie, le contrôle que tend à exercer les magistrats présentent la solution contraire. La véracité de cette analyse tient dans la pertinence de l’utilisation du terme d’opportunité. Mais il est nécessaire de rappeler que les magistrats ne se bornent aux constats étant donné que les projets sont, en général, réalisés a priori.
134
BERTUCCI ( J.Y), DOYELLE ( A.), Les demandes motivées d’examen de la gestion, AJDA, 1996, p. 995-
1004 135
BERTUCCI ( J.Y), DOYELLE ( A.), op.cité, p.996
63
Enfin , les magistrats sont confrontés à une demande croissante de soutien de la part des gestionnaires locaux. Ainsi, un certain nombre de contrôlés sont demandeurs d’une évolution de leur rapport avec la chambre afin de supprimer la frontière contrôleur-contrôlé ce qui apporterait une autre image à la chambre et, en conséquence, permettrait une meilleure appréciation des remarques qu’elle pourrait formuler. Le deuxième argument avancé au développement de cette perspective serait l’amélioration de l’efficacité de la gestion car les remarques seraient formulées a priori et ne seraient plus cantonnées à un simple constat d’une mauvaise gestion passée. Face à cela, la chambre régionale des comptes et plus précisément les magistrats financiers demeurent très réticents. En effet, la fonction de conseil avancée tend à se heurter à une appréciation de l’opportunité de la gestion et des choix, barrière que les magistrats ne peuvent franchir en vertu des dispositions récemment rappelées par l’article 36 de la loi du 21 décembre 2001: « …L’opportunité de ces objectifs ( à propos des objectifs que doit fixer l’assemblée délibérante) ne peut faire l’objet d’observations. »
De plus, cette fonction
équivaut en quelque sorte à une certaine cogestion ce qui semble négatif au regard de l’impact de la chambre mais aussi source de malversation car la fonction de « gendarme » de la chambre n’existerait plus. Dans le même temps, la chambre ne peut être conseil d’une collectivité et ensuite formuler des observations sur sa gestion. Ces deux fonctions apparaissent incompatibles si l’on veut conserver une certaine qualité au contrôle de la gestion136. Ainsi , la meilleure solution serait que la collectivité demande l’assistance d’experts pour ne pas contrevenir à la fonction de contrôleur de la gestion des magistrats. Si cette autonomie des magistrats s’exprime à l’échelon national et dans toutes les chambres régionales des comptes, il apparaît que la manière de procéder en terme de contrôle soit relativement différente d’une chambre à l’autre. Ainsi, Didier Roguez a exprimé ce courant de penser qui tend à investir les chambres régionales des comptes sur une codification de certains points de la procédure en terme d’examen de la gestion même si cette idée tend à limiter la chère autonomie des vérificateurs. 136
BOYER, CASTELNAU, op.cité, p.191-197
64
Paragraphe 2 : Les contrôles propres à chaque chambre
« Les chambres régionales des comptes disposent d’une totale liberté en matière de contrôle de la gestion »137. Ainsi, chaque chambre régionale prévoit une programmation quadriennale de contrôle n’ayant aucun caractère impératif, ni contraignant, adoptée par arrêté du président de la juridiction. Cet encadrement va se traduire par une programmation annuelle de contrôle arrêtée par le président de la juridiction après consultation de l’ensemble des magistrats de la chambre et après avis du ministère public. De plus, en 1997, les chambres ont rendu 16 927 jugements sur les comptes des comptables publics, soit une augmentation de 6 % par rapport à 1992, et émis 1 314 avis budgétaires (+ 5 % par rapport à 1992)et en matière de contrôle de la gestion, elles ont adressé 995 lettres d'observations définitives sur la gestion (+ 22 %par rapport à 1992). En 1999, les observations portant sur la gestion des organismes contrôlés ont donné lieu à 2 514 communications aux ordonnateurs ou autorités administratives, 875 lettres d'observations provisoires et 807 lettres d'observations définitives138. Ainsi, l’accroissement de la charge de travail de la chambre régionale des comptes est une source d’explication de la difficulté de respecter la programmation quadriennale ce qui pousse certains auteurs à l’envisager sur cinq ans139. Toutefois, selon Pierre VAN HERZELE, le programme annuel ne constitue qu’une référence et non pas une obligation juridique. En effet, en aucun cas, la nature et l’ampleur du contrôle ne peut être décidée par le magistrat. En effet, il manquerait à ses obligations s’il exerçait un contrôle minimal indiqué par le programme et omettrait de rapporter des informations à la chambre. Cette programmation apparaît comme une nécessité d’organisation interne, soit la répartition des organismes à contrôler, dont le président est investi car il « définit l’organisation et le programme annuel des travaux après consultation et avis du ministère public »140. Ainsi, la procédure est assez variable selon les chambres puisque certaines pourront suivre le magistrat en fixant des objectifs trimestriels ou en déterminant l’ordre de
137
CRUCIS ( H.M), op.cité., p.383
138
Rapport HOEFFEL ( D.), Statut des magistrats de la cour des Comptes et des chambres régionales des
comptes, n° 298, Sess. 2000-2001 139
BOYER, CASTELNAU, op.cité, p. 35
140
Décret n° 95- 945 du 23 août 1995, art. 3, al. 2
65
contrôle et d’autres, laisser le libre arbitre aux magistrats à charge pour eux de remplir les objectifs assignés par le programme. Bien entendu, la durée du contrôle s’adapte à la situation et les organismes présentant une masse financière importante ainsi qu’un domaine étendu pourront faire l’objet d’une programmation pluriannuelle. De façon pragmatique, la mise en place d’un programme résulte de plusieurs aspects. En effet, la découverte de la nécessité de réaliser un contrôle de la gestion peut être concomitante à l’examen des comptes et inciter la juridiction à l’établir. De même, la réalisation de thèmes d’enquêtes communs entre la cour des comptes et la chambre peut motiver la réalisation de vérifications à l’appui de cette recherche141. Cette dernière approche met en évidence la liaison entre la chambre régionale des comptes et la cour des comptes. En effet, la cour des comptes intervenant en appel de la chambre régionale des comptes peut intervenir pour lisser les procédures. Toutefois, en terme de contrôle de la gestion, il ne faut pas minimiser l’importance du comité de liaison intervenant dans une optique de « coordination entre les programmes annuels de contrôle »142. Ainsi, le comité sera chargé de définir des thèmes d’enquête communs entre différentes chambres afin de pouvoir harmoniser les procédures des chambres par le biais d’un travail concerté sur un sujet déterminé. Enfin, le ministère public exerce une fonction unificatrice étant en relation avec le procureur de la cour des comptes lui permettant par ce biais d’aider à l’homogénéisation des procédures. Depuis 1988, un débat est présent dans les chambres régionales des comptes à savoir la question d’établir un référentiel contenant les diligences minimales que les magistrats instructeurs devraient utiliser dans le contrôle de la gestion. Toutefois, il ne faut pas minimiser l’importance de ce débat puisque l’établissement de cette base contrevient en quelques sorte à l’autonomie des magistrats conférée dans leur statut. Ainsi, Didier Roguez considère que cet encadrement serait nécessaire mais il doit s’agir d’un corpus minimum ne risquant pas d’enfermer le magistrat dans ses choix. Dans ce cadre, il est difficile de savoir où placer le curseur puisqu’il faut laisser au magistrat asse de marges pour s’adapter aux circonstances de l’espèce. De plus, il ne faut pas que ces thèmes soient trop
141
CRUCIS, op.cité, p. 383
142
Rapport HOEFFEL ( D.), relatif au statut des magistrats de la cour des comptes et des chambres régionales
des comptes, n° 298, sess. 2000- 2001, p. 9
66
ciblés car un risque d’habillage du contrôlé pourrait apparaître et dans ce cadre, le contrôle deviendrait inefficace. De plus, l’importance de la spécificité des collectivités ne doit pas être oubliée et en général l’étude au cas par cas prévaut. Dans le même sens, le rapport public de la cour des comptes évoque le contenu des lettres d’observation en tant qu’elles « ne font que refléter l’extrême diversité des problèmes auxquels sont confrontés les élus, et l’étendue de leurs attributions depuis les lois de décentralisation »143. Toutefois, le caractère récurrent de quatre thèmes de contrôle dans toutes les chambres régionales des comptes de France144 a été mis en exergue comme l’analyse de la situation financière, les marchés et commande publique, la gestion des services publics industriels et commerciaux et la gestion du personnel. « L’analyse financière de la collectivité se fonde sur des données et des agrégats globalisés ce et débouche, en général,
sur un diagnostic des marges de manœuvres financières des
organismes contrôlés, notamment leur fiscalité, leur endettement et leur capacité d’épargne. »145. De plus, l’article 13 de la loi du 6 février 1992 ainsi que le décret du 27 mars 1993 tendent à répandre l’information des assemblées avec la publication en annexes aux documents budgétaires des instruments tels que les ratios et les indicateurs synthétiques. Concernant les ratios, l’inconvénient est que ce sont des indices retenus par la loi qui, par conséquent, peuvent apparaître contestables en ce sens qu’ils ne sont pas adaptés à la spécificité des collectivités locales. Ainsi, ces ratios se déclinent selon deux agrégats soient dans l’aménagement du territoire local et l’évaluation de la capacité d’amortissement des communes au regard de la nécessité de l’équilibre budgétaire146. Ils apparaissent couvrir tous les aspects de la vie locale à ceci près qu’ils ne constituent qu’une référence par rapport à la moyenne nationale. De plus, il apparaît nécessaire de s’interroger sur la pertinence de cette analyse financière, les ratios faisant référence à une moyenne nationale, constitue-t-il des éléments efficaces de ce fait ?
143
Rapport public de la cour des comptes au président de la république, 2000, p. 700
144
soit 24 chambres régionales et 2 chambres territoriales
145
Rapport de la cour des comptes, 2000, p. 704
146
GUENGANT ( A.), Performance financière des communes : de nouveaux outils de diagnostic, Politiques et
management public, vol. 17 , n° 3, septembre 1999
67
Les marchés, achats et commandes publiques forment la rubrique la plus critiquée par les chambres régionales des comptes. Ainsi, les cas les plus fréquents de dénonciation concerne le dysfonctionnement de la mise en concurrence et des procédures d’attribution des marchés. En effet, le respect du code des marchés constitue un facteur de l’efficacité de la dépense publique et la chambre régionale invite les collectivités à régulariser leur procédure. Ainsi, la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardennes a évoqué le fait que le département de la Marne se lançait dans une démarche d’amélioration des procédures et tendait à insérer la passation des marchés publiques dans un cadre plus formalisé. A cet égard, « la chambre invite donc la collectivité à achever l’évolution engagée pour inscrire sa politique d’achat et d’investissement dans des procédures régulières. »147. Dans ce cadre, diverses observations portent atteinte à la régularité de passation des marchés publics telles que le non respect des seuils des marchés, le recours abusif aux avenants aux contrats afin d’éviter une nouvelle mise en concurrence148… La gestion du personnel fait aussi partie de nombreuses observations notamment les modalités de recrutement, la rémunération des agents ainsi que l’octroi de certains avantages, en nature ou financiers, octroyés à des titulaires ou non. A titre d’exemples, la chambre régionale des comptes de Champagne-Ardennes
149
relève les coûts importants du département de la Marne
dans le recours à du personnel intérimaire dont les services ne sont pas rattachés au budget ce qui engendre une augmentation des ratios. De plus, la délibération du 21 octobre 1998 a confirmé cette analyse en évoquant « que les crédits ouverts sont consacrés en grande partie à la rémunération de personnel intérimaire ». Enfin, le dernier type d’observations porte sur la gestion des services publics locaux ainsi que sur les délégations de services publics. Sur la gestion des services publics, les observations semblent plutôt être orientées vers une question de la conformité budgétaire, en revanche pour les délégations de service public, « les chambres s’intéressent également à l’appréciation des performances de la gestion déléguée, dans une optique tournée vers le contrôle de l’efficacité, ce qui implique d’avoir accès aux comptes et aux justifications produites par les délégataires,
147
Lettre d’observations définitives du 5 septembre 2001, in gaz.cnes., op.cité., p. 61-67
148
Lettre d’observations définitives du 7 décembre 2000 de la CRC de Bretagne à propos de la ville de Brest, in
gaz.cnes, op.cité. 149
op.cité, cf note 100
68
et de les exploiter, exercice encore marqué par de nombreuses difficultés »150. De plus, elles se prononcent sur les procédures de mise en concurrence des délégations , la garanties du principe d’égalité dans le traitement des usagers151… Suite à cette exposition des thèmes apparaissant de manière récurrente dans les lettres d’observations définitives, il semble que le seul point de la procédure pouvant faire l’objet d’une homogénéisation soit l’analyse financière puisque c’est la démarche préliminaire de chaque magistrat , les autres thèmes de contrôle font partis du cas par cas.
150
Rapport public de la Cour des comptes, 2000, p. 707
151
Lettre d’observations définitives de la CRC de Provence- Alpes-Côte d’Azur du 7décembre 2000 à propos de
la commune de Digne-les-Bains
69
CHAPITRE II : LES SUITES DU CONTROLE DE LA GESTION
Section I : Le statut des travaux de la chambre régionale des comptes Les travaux de la chambre régionale des comptes sont relativement difficile à qualifier en terme de définition juridique ( § 1. ) mais ils reçoivent un impact indéniable en terme de publicité notamment ( § 2. ).
Paragraphe 1 : La qualité de la lettre d’observations définitives
La lettre d’observations définitives constitue un élément dont la nature juridique apparaît difficile à décrire. Henri Michel Crucis en ébauche un portrait en évoquant : « formulée par une juridiction dans l’exercice d’une compétence qui ne présente pas un caractère juridictionnel, elle n’est pas exactement un rapport financier ou un audit exhaustif, mais est davantage qu’une simple correspondance échangée sous une forme épistolaire classique ; de nature technique, elle n’en revêt pas moins une dimension juridique indéniable ; privilégiant certes les aspects financiers, elle est bien souvent aussi un audit juridique ou d’organisation ; constat de la gestion, le diagnostic s’accompagne le plus souvent d’objections formulées sur un ton variant du léger reproche à la sévère injonction… »152 . La lettre d’observations constitue une sorte d’expertise financière de la situation d’un organisme, permettant de dégager les dysfonctionnements de celui et elle « ne fait que rendre
152
CRUCIS, op.cité, p. 412
70
compte des faits de la gestion locale , en vue d’améliorer l’efficacité et la qualité de celleci »153. Le Conseil d’état précise la nature juridique de la lettre d’observations définitives dans son espèce Commune de la Ciotat
où il précise que « les observations formulées , même
définitivement, par une chambre régionale des comptes, sur la gestion d’une collectivité territoriale […], ne présentent pas le caractère de décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif154 ».
Toutefois, concernant la valeur juridique des lettres d’observations, il est nécessaire de rappeler que « Les chambres n’ayant pas le pouvoir de contraindre les ordonnateurs à retrouver le chemin de la légalité, l’essentiel des suites données aux travaux des chambres régionales des comptes passe par la publicité à laquelle, désormais, ces derniers n’échappent plus. »155.
Les lettres d’observations définitives sont transmises à l’ordonnateur de la collectivité et cette obligation résulte de l’article 34
du décret du 22 mars 1983. L’inconvénient de cette
disposition était que la communication des observations était limitée à l’ordonnateur et que rien n’indiquait que celui-ci doive la transmettre à l’assemblée délibérante156. Ainsi, dans un souci d’accroître l’impact des lettres d’observation définitives, la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 et la loi du 6 février 1992 ont progressivement durci les règles en matière de publicité des avis et des observations des chambres régionales des comptes. La loi de 1993 relative à la prévention de la corruption prévoit des améliorations par rapport à l’article 87 de la loi de 1982 puisque l’ordonnateur de la collectivité doit informer l’assemblée délibérante des observations et des avis formulés par la chambre, dès sa plus proche réunion et sont joints à la convocation des membres de l’assemblée délibérante157. Ceci permet d’informer les élus des pratiques du personnel communal et du maire ce qu’a relevé Didier Roguez, lors de ses contrôles. 153
CRUCIS, op.cité, p. 413
154
CE 8 février 1999 , Commune de la Ciotat, req.n°169047 ; Dr. adm.1999 n° 167, note G.G.
155
BOYER, CASTELNAU, op.cité, p. 173
156
RAYNAUD ( J.), Guide pratique des finances locales, Les contrôles des chambres régionales des comptes,
Paris : Sorman, 1986 , p. 147- 149 157
art. L. 241- 11 al. 2du CJF.
71
Cette information est relativement étendue car les tiers sont susceptibles de recevoir communication des observations définitives158 dès que la première réunion de l’assemblée délibérante a eu lieu, article 117 du décret n° 95- 945 du 23 août 1995.
En revanche, certaines publicités sont interdites dans la période préélectorale. A ce titre, l’article L. 52-1 du code électorale prévoit que toute publicité commerciale par voie de presse ou tout autre moyen de communication audiovisuelle dans un but de propagande électorale est interdite dans les trois mois précédent le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du scrutin. Cet article ajoute que cette interdiction est valable pour les publicités concernant les réalisations ou la gestion de la commune, arguments susceptibles d’être utilisés dans le cadre de la campagne ce que rappelle le conseil d’état dans l’arrêt du 28 janvier 1994, M. Bartolone, élection cantonale de Seine-Saint-Denis159 en précisant le risque d’annulation des élections. Allant dans ce sens, la nouvelle loi a suspendu la communication des rapports d’observations en instaurant un « délai de neutralité »160 afin de na pas influencer les électeurs et d’éviter que l’opposition se serve des observations de la chambre. Ce délai s’étend selon l’article 42 de la loi du premier jour du troisième mois précédent le mois au cours duquel sera organisée l’élection et ce délai court jusqu’au lendemain du tour du scrutin.
Cette extension de la publicité engendrent l’acquisition d’une certaine valeur aux observations des chambres régionales des comptes qui « restent dépourvues de force contraignante »161. En effet, l’ordonnateur de la collectivité n’est pas obligé d’adapter ses méthodes de gestion afin de les mettre en conformité avec le juge financier. Dans le même sens, M. BOYER et CASTELNAU évoquent que « en matière d’examen de la gestion des collectivités, les chambres régionales des comptes délivrent des observations, et non des jugements162 ». Cette thèse n’est pas unanime.
158
TA. Strasbourg, 25 Avril 1994, Antz c./ Commune de Fegersheim, Rec. CE p. 697
159
VIEILLEVILLE, BREYTON, guide de l’élu local, op.cité., p.60
160
Rapport HOEFFEL, op.cité., p. 13
161
LAMARQUE (D.), MILLER ( G.), Le juge administratif face aux attributions non contentieuse du juge des
comptes, AJDA, 1998, p. 959 162
BOYER, CASTELNAU, op.cité., p. 173
72
M. Crucis considère que par la simple existence d’un droit à rectification, les lettres d’observations disposent selon les cas d’un caractère susceptible de faire grief à la personne concernée. En effet, si la lettre n’avait aucun effet, les élus ne ressentirait pas le besoin de la faire rectifier. Cette théorie est confirmée par Jean- Bernard AUBY qui considère qu’ « il devient de plus en plus difficile d’admettre que les observations de la chambre régionale des comptes ne puissent faire l’objet d’aucun recours. En apparence justifiée par le fait que ces observations ne sont pas décisoires, et encore moins juridictionnelles, cette solution ignore le fait que leur effet de censure est , dans la pratique, largement égal à celui des décisions juridictionnelles163 ».
A ce stade, il ne faut pas minimiser l’apport de la loi du 21 décembre 2001 qui permet d’étayer la réflexion avec son art. 42 qui précise « Les destinataires du rapport d'observations disposent d'un délai d'un mois pour adresser au greffe de la chambre régionale des comptes une réponse écrite. Dès lors qu'elles ont été adressées dans le délai précité, ces réponses sont jointes au rapport. Elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. ». En effet, si les destinataires disposent d’un droit de réponse annexé au rapport d’observations et comme tel publié et servant d’outils d’information à l’assemblée délibérante, peut-on réellement considérer que cet acte fait grief ? La loi permet à l’ordonnateur de « se laver des dénonciations » de la chambre régionale aux yeux des tiers et des élus. Dans ce cadre, le rapport est dépourvu d’effet étant soumis à la contradiction par la réponse de l’ordonnateur et le droit de rectification se trouve par là même dépourvu d’intérêt, l’ordonnateur étant à même de se justifier auprès de ses administrés. A ce stade, il apparaît difficile de concevoir l’approche de la loi ayant conservé les deux options.
Toutefois, cette réponse ne permet pas à l’ordonnateur de se soustraire aux observations formulées par la chambre régionale des comptes et à ce titre, les magistrats retiendront lors d’un futur contrôle leurs observations plus que la réponse. Ainsi, l’existence du droit de rectification réaffirmé par l’article 44 de la loi du 21 décembre 2001 tendrait à éviter ses effets néfastes.
163
AUBY ( J.B.), Les chambres régionales des comptes et la gestion locale, DA, avril 1997, p. 1
73
Au final, la valeur juridique et la force contraignante des rapports d’observations sont difficile à mettre en exergue sauf à mettre en évidence en premier lieu la valeur de la réponse écrite. En effet, celle-ci dispose-t-elle d’une valeur supérieure ou équivalente au rapport d’observations car elle est susceptible d’engager la responsabilité de l’ordonnateur ( art. 42 de la loi précitée) ? A ce stade, l’engagement de la responsabilité de l’ordonnateur dans le cadre du contrôle de la gestion se faisait par une saisine directe des auteurs de la chambre régionale des comptes au ministère public de la Cour de discipline budgétaire et financière164, la lettre d’observation motivant l’interpellation de la CDBF aux yeux de la CRC. Toutefois, peut-on considérer que si la réponse écrite engage la responsabilité de l’ordonnateur, il serait peut-être intéressant de développer les pouvoirs de la CDBF comme celui de l’auto saisine et leur permettre d’engager un recours sur ce seul fondement, ou alors est-ce que c’est uniquement la réponse écrite qui sera le motif d’envoi de la CRC à la CDBF, c’est à dire le seul acte permettant d’engager une éventuelle responsabilité de l’ordonnateur sans utiliser la lettre d’observations comme base de référence.
Après avoir tenté de dresser la valeur de la lettre d’observations ou du rapport, il apparaît que ceux-ci ont des impacts dans la presse, dans la cour des comptes…
Paragraphe 2 : L’impact des rapports d’observations et la mise en évidence de la prise de risque des collectivités
La mise en évidence de l’impact des travaux des chambres régionales des comptes est un exercice relativement difficile étant donné que les observations sont perçues, par la cour des comptes, comme ayant « la forme de constatations, de rappels de la réglementation, voire de recommandations »165 et n’ayant pas de forces contraignantes. En effet, les rapports
164
art. L. 314–2 du CJF
165
Cour des comptes, Le rapport public 2000 ,au président de la république, Paris : Les éditions des journaux
officiels, Janvier 2001
74
d’observations aurait sans doute plus d’impact si la collectivité adressait au juge financier un compte rendu des mesures prises en fonction des irrégularités et des recommandations de la chambre régionale des comptes. Or, sauf à cesser des agissements délictueux ou irréguliers, cette intervention aurait tendance à porter atteinte au principe de l’opportunité des choix de l’ordonnateur, donc cette idée, même si elle tend à offrir un impact plus important aux interventions de la chambre, semble irréalisable de ce fait.
L’examen de la gestion est un contrôle a posteriori dont le rôle est avant tout la prévention des irrégularités et des risques de la collectivité. Toutefois, ce rôle est exercé de fait de par leur seule existence. En effet, « savoir que sa gestion sera un jour éplucher par le juge financier et les irrégularités mises en évidence dans une lettre d’observations ou dans le rapport public de la Cour, voire, pour celles qui relèvent du droit pénal, communiquées aux autorités judiciaires, constitue une puissante incitation au respect des lois et règlements »166.
Toutefois, à ce stade, le rôle du contrôle de la gestion n’emporte qu’un impact minime étant donné que la lettre d’observation n’intervient qu’après « coup » certains, notamment les élus tendent à lui reprocher son caractère tardif. En effet, lors du contrôle, les magistrats réalisent l’enquête sur une période de quatre à cinq ans et les observations sur des erreurs aussi obsolètes ont certes moins de forces.
Les chambres régionales des comptes peuvent donner une impulsion à leurs travaux en recourrant aux possibilités offertes par l’art. R. 241-24 du CJF tendant à transmettre au procureur de la république placé auprès de la cour des comptes les observations « susceptibles de concerner les administrations, services et organismes centraux de l’Etat ». Ceci permet aux administrations concernées de connaître les insuffisances dans la réglementation et les reproches en terme de gestion qui ont été relevés par la chambre régionale des comptes167.
166
DOUAY ( D.), Les chambres régionales des comptes, guide du justiciable et du contrôlé, coll. Hôtel de Ville,
Paris : Agorel, 1995, p. 173 167
Cour des comptes, Le rapport public 2000 ,au président de la république, Paris : Les éditions des journaux
officiels, Janvier 2001
75
De plus, le ministre, responsables de l’administration centrale pourra remédier aux situations récurrentes dans les divers communications par le biais de projet de loi. Ainsi, cette procédure peut se révéler efficace si le ministre donne suite. La démarche en matière de transmission se fera par la voie du référé signé du premier président de la cour après une délibération de la chambre compétente de la cour des comptes . Par contre, le procureur de la république opérera la transmission des observations par le biais d’une note du parquet, la délibération n’étant pas utile, adressée au ministre ou au directeur de l’administration centrale concernée168. Ainsi, la fréquence d’émission de ces lettres est d’environ une trentaine par an ( 35 en 1998 et 34 en 1999) et concernent principalement les collectivités locales, les établissements publics locaux ainsi que le secteur sanitaire et social. En matière de publicité, ces suites au contrôle de la gestion ne sont pas susceptibles d’être communicable aux tiers en vertu de l’art. L. 140-9 du CJF dans un souci de préserver la confidentialité et le caractère contradictoire de l’instruction. L4article 7 de la loi du 12 avril 2000169 le confirme. L’administration destinataire est tenue de donner suite à la lettre du procureur de la république et de lui faire connaître ce qu’elle a décidé soit les raisons de leur action, de leur abstention ou de leur refus. En cas de non réponse, le parquet fera systématiquement une relance.
L’impact des travaux des chambres régionales des comptes peut être plus conséquent si les observations sont insérées dans le rapport public de la cour des comptes ce qui engendre d’indéniables conséquences politiques et cela en vertu de l’art. 88 de la loi de 1982170. De plus, l’article 130 du décret de 1995 prévoit que les observations définitives peuvent « faire l’objet d’une insertion ou d’une mention au rapport public ». La transmission des observations à la cour des comptes doit être « accompagnée(s) des documents sur lesquels elles se fondent et de l’avis du ministère public »171. Mais le décret de 1995 ne précise pas la qualité de
168
RAYNAUD (J.), Guide pratique des finances locales, les contrôles des chambres régionales des comptes,
Paris : Sorman, 1986, p. 151- 152 169
Loi n° 2000- 321 du 12 avril 2000, JO lois et décrets, 13 avril 2000, p. 5646
170
« la cour des comptes consacre chaque année une partie de son rapport public à la gestion des communes, des
départements et des régions, établie notamment sur la base des observations des chambres régionales des comptes » 171
art. 130 du décret de 1995
76
l’observation ce qui rend possible l’insertion d’une observation provisoire dont « il peut être jugé superflu de rendre cette observation définitive »172.
Or, la Cour des comptes conserve , à ce stade, le libre arbitre et n’est pas enclin à publier systématiquement les observations des chambres régionales des comptes. Par contre, si les observations ont un intérêt particulier et qu’elle décide de donner suite, alors la cour informe les communes et invite l’ordonnateur à fournir une réponse écrite aux observations qui sera publiées à la suite de celles-ci. A ce stade, il convient de s’interroger sur la nécessité de recourir à cette demande de réponse avec la nouvelle loi. En effet, la réponse écrite de l’ordonnateur est désormais requise dès la transmission des rapports d’observations et joints à celui-ci aux fins d’information des élus. La cour des comptes ne sera plus qu’astreinte à une simple information des communes selon l’article 88 § 2 de la loi du 2 mars 1982. Ainsi, le rapport public permet le développement de thèmes d’enquêtes au sein d’une seule chambre régionale des comptes, soit découlant d’une étude de la cour et inséré dans la partie correspondante du rapport public, soit réunissant plusieurs chambres en coordination avec la cour des comptes. Ce rapport permet notamment de mettre en exergue les situations irrégulières dans lesquelles se trouvent les collectivités173. A titre d’exemples, les observations relatives à la ville de Nîmes ont fait l’objet d’une insertion dans le rapport public de 1998 et le rapport public met en évidence la politique d’investissements trop « ambitieuse » menée par la commune sans études préalables suffisantes, sources d’inefficacité de la dépense engagée. De plus, « le contrôle des marchés passés par la commune, notamment pour la gestion de ses services publics et l'organisation de spectacles tauromachiques, a révélé un respect insuffisant de la réglementation » dont les conséquences furent importantes sur le budget de la commune qui avait subi en 1988 une grave inondation et « dont la situation financière se trouve durablement obérée »174 De plus, il ne faut pas minimiser l’impact médiatique des observations des chambres régionales des comptes. En effet, la loi du 15 janvier 1990 relative aux financements partis et 172
Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France, 26 août 1991
173
CRUCIS ( H.M), op.cité, p. 422- 430
174
Cour des comptes, Le rapport public au président de la république, Paris : Les éditions des journaux officiels,
1998
77
des campagnes électorales a eu comme conséquence de renforcer la pression médiatique sur les observations. De plus, les magistrats de la chambre régionale considèrent que ce mode de publication des lettres d’observations définitives apparaît comme une source d’informations relativement efficace. Toutefois, il semble que les thèmes de contrôle intéressant la presse soit limités aux observations relatives aux collectivités relativement importantes ainsi que les organismes leur étant associés ou une collectivité dont le représentant est une personnage de notoriété publique, plus précisément de grandes réalisations et dont la « dynamique » répond à une logique de nouveauté et d’actualité175. Tous les contrôles réalisés par la chambre régionale des comptes sont représentés par la presse locale ou nationale176 mais il faut souligner que le contrôle de la gestion conserve un impact relativement important et que l’efficacité des politiques mises en œuvre par les élus constituent un sujet épineux dont les journalistes sont friands.
Ainsi, même si les différentes lois n’ont pas donné au contrôle de la gestion un pouvoir contraignant, il apparaît que la médiatisation et le rapport public de la cour des comptes tendent à offrir un réel impact aux rapports d’observations dont les conséquences, en terme de politique, sur l’opinion publique est indéniable.
Section II : Une éventuelle responsabilité des ordonnateurs
Le contrôle de la gestion opéré par les chambres régionales des comptes a une influence en terme de publicité ayant un impact politique par le biais de l’opinion publique mais les ordonnateurs sont responsables devant la cour de discipline budgétaire et financière créée à cet effet. Ainsi, la cour recevra transmission des affaires concernant les ordonnateurs ( § 1.) qu’elle pourra assortir de sanctions éventuelles ( § 2.). Cette étude s’oriente vers la cour de discipline, juridiction spécialisée dans le domaine de la responsabilité des ordonnateurs et n’envisagera pas les suites pénales que peuvent occasionnées le contrôle de la gestion.
175
CRUCIS, op.cité., p. 431- 441
176
Le monde, 8 février, 27 mai, 1er juin 1995 ; 25 mars 1997
78
Paragraphe 1 : La transmission à la CDBF et l’histoire de communication des documents A côté de cette responsabilité politique induite par la publicité des rapports d’observations, les ordonnateurs sont responsables des irrégularités de leur gestion notamment lorsqu’elles portent atteinte à la régularité. « L’institution d’une cour de discipline budgétaire et financière répond au souci de ne pas laisser impunies les fautes de gestion des ordonnateurs, alors que les fautes des comptables se trouvent sévèrement sanctionnées à l’occasion du jugement de leurs comptes »177.
Plus particulièrement, la cour de discipline budgétaire et financière, instituée par la loi n° 481484 du 25 septembre 1948, visait ,dans l’esprit du gouvernement Ramadier, à « sanctionner les fautes de gestion commises à l’égard de l’Etat et de diverses collectivités » par les ordonnateurs et ,de manière plus générale, par les agents des organismes soumis au contrôle de la Cour des comptes. De plus, « sa préoccupation principale était d’empêcher les dépenses faites par l’administration en dépassements de crédits178 ». Cette idée montre un souci de préserver l’équilibre budgétaire mais aussi, par extension, de veiller à ce que les ordonnateurs aient pris toutes les diligences nécessaires pour dépenser mieux. Ainsi, la cour de discipline budgétaire et financière devrait sanctionner les fautes de gestion ainsi que les manquements ayant concouru à ces fautes. Enfin, elle apporte une grande innovation à l’irresponsabilité pécuniaire des agents publics.
En outre, les infractions punissables par la Cour de discipline budgétaire et financière sont plus des « fautes de gestion financière » que des fautes dans la gestion en tant que telles. A ce stade, une nuance peut être remarquée puisque la notion de « faute de gestion » retenue par la loi de 1948 répond à des critères larges car elle peut englober tant la faute dans le comportement personnel du dirigeant ou la faute dans l’exercice des fonctions. En effet, la chambre régionale des comptes lors de ses contrôles constatent des atteintes en terme de
177
VIEILLEVILLE, BREYTON, Guide de l’élu local, prévention des risques de gestion, op. cité., p. 83
178
DESCHEEMAEKER ( C.), La cour de discipline budgétaire face aux fautes de gestion, Rev.tres., n° 6, juin
1994, p. 320
79
sincérité budgétaire179 mais aussi des négligences en terme d’études de faisabilité du projet180 par exemple. Ainsi, sont susceptibles d’être réprimé, une imputation irrégulière d’une dépense pour dissimuler un dépassement de crédits ( la sincérité est en jeu), l’engagement de la dépense sans pouvoir ni délégation, infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses et des recettes…181
La chambre régionale des comptes dispose d’un délai de cinq ans à compter de la découverte des faits délictueux pour saisir la cour de discipline. Cette compétence de saisine directe, la chambre régionale l’a acquise de manière tardive devant auparavant recourir au parquet de la cour des comptes.
Toutefois, il apparaît relativement déplorable que la liste des personnes justiciables de la cour soit limitée selon les termes de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 à tout représentant, administrateur ou agent des organismes soumis soit au contrôle de la Cour des comptes ou au contrôle de la chambre régionale des comptes. En effet, les élus bénéficient d’une certaine protection puisque sont exclus les présidents et vice-présidents des conseils régionaux et généraux, les maires et leurs adjoints ainsi que les présidents élus de groupements et de syndicats des collectivités locales. Toutefois, l’article 78 de la loi n° 93- 122 du 29 janvier 1993 a remédié à cette situation et a assujetti les élus à la cour de discipline dans des cas limitativement énumérés par la loi : lorsqu’ils ont engagé leur responsabilité propre à l’occasion d’un ordre de réquisition du comptable, non-respect des obligations de mandater ou d’ordonnancer la somme que la collectivité a été condamnée à payer par une décision passée en force de chose jugée ainsi que l’inexécution , totale ou partielle, ou retard d’exécution d’une décision juridictionnelle ayant provoqué la condamnation à une astreinte182.
179
cf infra p.
180
Lettre d’observations définitives du 23 avril 2001 de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France à
propos de la commune de Bry-sur-Marne 181
L’ensemble des infractions sont recensées dans la Loi n° 48- 1484 du 25 septembre 1948, la loi du 17 juillet
1980, la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ainsi que la loi n° 95- 1251 du 28 novembre 1995 182
MARTINEZ ( J.CL), DI MALTA ( P.), Droit budgétaire, budget de l’état- budgets locaux- Budget de la
Sécurité Sociale- Budget Européen, 3ème édition, Paris : Litec, Mai 1999
80
A titre d’exemples, quelques rares cas peuvent être dénombrés mettant en cause un élu local. L’arrêt du 23 février 1994 , SEM A. met en cause M.X183, adjoint au maire de la commune et président du conseil d’administration qui utilise ce qualificatif pour ne pas être justiciable de la cour de discipline budgétaire et financière selon les dispositions de l’article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée. Toutefois, dans cette espèce, il a été reconnu justiciable de la cour et sanctionné sur le motif d’avantages injustifiés184. Concernant cette notion d’avantage injustifié, cela concerne un avantage accordé à autrui en nature ou pécuniaire. L’inconvénient est de pouvoir chiffrer l’infraction. Dans ce cadre, le juge utilisera « la référence au prix du marché ou au juste prix, la référence à un prix de transaction antérieur, la décomposition du prix et la constatation de l’existence de commissions ou autre éléments étrangers majorant le prix 185». Cette infraction est réprimée et il n’est pas nécessaire que la personne ait prémédité son infraction.
Toutefois, la cour de discipline budgétaire et financière est sujette à un grand manquement au niveau de la législation et de son évolution. En effet, la loi du 21 décembre 2001 assigne notamment aux élus locaux la nécessité de fixer des objectifs afin que la chambre régionale des comptes puissent exercer un contrôle de manière qualitatif et plus aisément. Or, l’intérêt principal de cette définition des besoins est bien le fait de pouvoir responsabiliser les gestionnaires sur les actions de politiques publiques qu’ils ont souhaité réaliser, sans porter atteinte au principe de l’opportunité. Par là même, il apparaît facile de mettre en évidence, en tout cas pour les magistrats des chambres régionales des comptes, un projet fixé à 2 millions et qu’au final les coût de ce même projet s’élève à 6millions et cela sans porter atteinte à l’utilité de la dépense publique. De même, il est intéressant en cette matière de se référer à la loi organique du 1er août 2001 qui fixe une budgétisation par objectifs et prévoit notamment de responsabiliser les gestionnaires sur les programmes et les missions mises en œuvre. Or, à la lecture des rapports
183
VIEILLEVILLE, BREYTON, Op cité., p. 85
184
art. 6 de la loi du 25 septembre 1948
185
VIEILLEVILLE, BREYTON, Op cité., p. 84
81
de Didier Migaud186 et d’Alain Lambert187 , aucune sanction ne semble assortir cette responsabilité et ce n’est pas l’opinion publique qui va sanctionner un tel manquement ! Dons, selon cette réflexion, il apparaît qu’aussi bien au niveau étatique, que dans les administrations locales, les élus échappent à une responsabilité éventuelle, pourtant réclamée par les nouvelles lois. De plus , la cour de discipline budgétaire et financière est caractérisée par une procédure rendant ses sanctions pratiquement nulles.
Paragraphe 2 : l’absence de sanctions de la CDBF
L’instruction d’une affaire par la cour de discipline budgétaire et financière est caractérisée par un fort taux de classement du procureur rendant presque inutile cette juridiction. En effet, le déroulement de l’instruction est suivi par le procureur qui dispose d’un pouvoir de classement, conféré par l’article L 314 – 3 du CJF, qu’il peut réaliser à divers stades de la procédure soit dès la transmission du dossier et cela avant même la désignation d’un rapporteur pour des motifs de fait ou de droit188. Toutefois, si le procureur ne procède pas au classement de l’affaire alors un rapporteur est désigné et dispose de larges pouvoirs d’investigation189 ,en ce sens qu’il procède à toute enquête sur pièces et sur place ainsi que des auditions. De plus, aucun secret ne peut lui être opposé. Une fois l’enquête effectuée, le dossier est retransmis au procureur qui dispose une nouvelle fois du pouvoir de classer l’affaire selon l’article L.314 -4 al. 5 du CJF. A la suite du rapport d’instruction, le dossier est susceptible d’être transmis au Procureur de la République si une infraction pénale est présumée
190
( sept affaires ont été portées à la
connaissance du juge pénal en 1995) ou à l’autorité disciplinaire en cas de 186
faute
MIGAUD ( D.), Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi
organique, Document AN n° 2540, 316 p. 187
LAMBERT ( A.), Rapport d’information
188
DOUAY (D.), Les chambres régionales des comptes, Op. cité., p. 231
189
art. L. 314-4 du CJF
190
art. L. 314-18 al. 3 du CJF
82
professionnelle191. De plus, lorsque le procureur dispose du dossier, il peut, outre le classement, admettre la consultation du ministre concerné puis soit clos l’affaire ou une audience aura lieu avec la consultation de la commission administrative paritaire. Dans un ce cas, un délibéré suivra et un arrêt clôturera le jugement assorti d’éventuelles sanctions192. Ainsi, les classements par le parquet sont de l’ordre de 40 % de 1948 à 1991 et de 49% de 1992 à 1996193. Peut-on considérer que cette juridiction dispose d’une réelle utilité et qu’elle met réellement en œuvre la responsabilité des ordonnateurs si le procureur dispose d’un tel pouvoir de classement invoqué pour des raisons aussi futiles que le manque d’intérêt de l’affaire ?
De plus, il est important de souligner que la chambre régionale des comptes a su s’adapter aux nouvelles contraintes de modernisation de la gestion en opérant notamment les évaluations des politiques publiques et dans cette mesure, la loi du 21 décembre 2001 lui a fourni un outil indispensable par le biais de la budgétisation par objectifs. Enfin, si cette loi est dans le pratique suivie d’effets alors la chambre régionale des comptes disposera d’un véritable outil pour exercer un contrôle très pertinent et de qualité.
Face à cette adaptation des modes de contrôle de la chambre régionale des comptes, un manquement peut être souligné surtout lorsque l’idée émane de toute part d’introduire une responsabilisation des gestionnaires. En effet, il apparaît que la cour de discipline devrait avoir des prérogatives plus étendues notamment envers les élus locaux.
A ce stade, un parallèle peut être effectué entre la chambre régionale des comptes et la cour de discipline budgétaire et financière. En effet, la chambre régionale des comptes , par le biais du contrôle de la gestion, vise dans son objectif premier à émettre un avis sur la gestion de l’ordonnateur et de mettre en exergue les éventuels dysfonctionnements. Toutefois, l’issue de la procédure se manifeste par un rapport d’observations dont les conséquences sont moindre qu’une éventuelle sanction pécuniaire.
191
art. L. 314-18 al. 2 du CJF
192
BOUVIER ( M.), ESCLASSAN ( M.C.), LASSALE ( J.P.), Finances publiques, coll. manuels, 4ème édition,
Paris : L.G.D.J., 1998, p.374- 375 193
CRUCIS ( HM), Op.cité. ,p. 532
83
Corrélativement, la cour de discipline budgétaire et financière dispose d’un contentieux relativement faible avec pour la période de 1950- 1970 seulement 69 affaires déférées dont 44 classées et 25 arrêts rendus. Toutefois, suite aux lois de 1971 et 1980 tendant à améliorer la définition des infractions et en étendant les justiciables, le nombre de déférés reste dans une moyenne de 10 par an194. Pendant l’année 1996, 31 déférés avaient été enregistrés au Parquet, 18 affaires avaient été mises à l’instruction et 4 arrêts avaient été rendus. Sur les dix dernières années, de 1987 à 1996, 50 arrêts ont été rendus par la juridiction.
Ainsi ,en analysant ces deux juridictions, une hypothèse semble se profiler tendant à transposer le contentieux de contrôle de la gestion à la cour de discipline budgétaire et financière qui disposerait de la faculté de sanctionner les fautes de la gestion avec notamment la possibilité de tenir compte des éléments de modernité tels que l’efficacité de la dépense publique. Ainsi, la chambre régionale des comptes ne serait astreinte qu’au jugement des comptes des comptables publiques et en cas de découverte d’une infraction à la gestion, devrait transmettre le dossier à la cour de discipline budgétaire et financière. Dans ce cadre, la cour de discipline budgétaire et financière pourrait recevoir une réelle légitimité qu’elle ne possède pas à l’heure actuelle étant donné le faible nombre de dossiers qu’elle traite et l’important pouvoir de classement du procureur. Ainsi, le partage entre les deux juridictions s’effectuerait comme suit : la chambre régionale des comptes poursuivrait une activité de jugement des comptes et de conseil ce qui lui permettrait d’éviter d’être juge et partie, et la cour de discipline budgétaire et financière s’occuperait intégralement du contrôle de la gestion qu’elle pourrait assortir de sanctions pécuniaires.
Cette hypothèse a reçu une appréciation très négative de la part des magistrats des chambres régionales des comptes ainsi que du commissaire du gouvernement qui ont argumenté cette idée en évoquant le fait que les erreurs de la gestion sont découvertes à la suite d’un contrôle juridictionnels et que l’activité serait moins intéressante... En effet, les chambres régionales tendent à développer de manière relativement importante le contrôle de la gestion au détriment parfois, et pour certaines chambres, du contrôle des comptes, jugés lourds et rébarbatifs. Toutefois, si l’on transpose le principe de programmation pluriannuelle et
194
DOUAY (D.), Les chambres régionales des comptes, Op.cité., p. 227- 228
84
annuelle au niveau de la cour de discipline budgétaire et financière alors cette juridiction deviendrait le corollaire de la chambre régionale des comptes pour les ordonnateurs.
Enfin, pour que cela soit réalisable, il faut doter la cour de discipline budgétaire et financière d’un corps de magistrats spécifiques car actuellement « sa composition est mixte et paritaire, réunissant des membres du Conseil d’état et de la Cour des comptes, avec une représentation prééminente de cette dernière195 ». Cette composition engendre un manque d’identité de cette juridiction du fait des échanges entre magistrats de corps différents. De plus, l’auto saisine de la juridiction peut être envisagée mais il apparaît que cette prérogative n’apparaisse pas nécessaire si l’on se place dans l’idée que le contrôle de la gestion découle du contrôle juridictionnelle de la chambre régionale des comptes.
Concernant les sanctions en tant que telle, la cour de discipline budgétaire et financière est une juridiction répressive qui ne peut infliger que des peines d’amendes pouvant aller de 100 francs au montant du traitement ou du salaire brut annuel de la personne condamnée. Toutefois, les sanctions de la cour de discipline budgétaire et financière ne sont pas exclusive d’autres sanctions résultant de la responsabilité de droit commun, pénale, civile, disciplinaire.
La responsabilité pénale est mise en jeu à la suite de graves irrégularités, notamment des manquements au devoir de probité ainsi que des détournements ou malversations relatives notamment aux marchés publics. Dans cette hypothèse, la cour de discipline n’hésitera pas à infliger une lourde peine à l’auteur de l’infraction. De même, que pour la faute disciplinaire, la sanction infligée par la cour n’est pas exclusive d’autres sanctions de l’autorité discipline pouvant notamment se manifester par un licenciement, rétrogradations et autres196…
195
BOUVIER , ESCLASSAN, LASSALE, Op. cité., p. 373
196
CRUCIS ( HM), Op. Cité., p. 537-539
85
CONCLUSION
86
CONCLUSION
Cette étude a permis de montrer l’impact des innovations des lois de 2001 tendant à apporter un changement dans le paysage budgétaire de la France. En effet, cette nécessité de fixer des objectifs tend à permettre, à titre d’exemples, aux chambres régionales des comptes d’exercer un contrôle plus pertinent. Cette étude propose d’ouvrir des pistes de réflexion sur les éventuelles modifications en cours mais aussi sur les points de notre droit qui doivent être transformés et le seront peut être dans l’avenir. En effet, il apparaît indispensable au vue de la loi du 21 décembre 2001 de modifier la cour de discipline budgétaire afin de lui apporter une légitimité qu’elle n’a pas encore acquise.
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