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Kinesither Rev 2012;12(130):17–28

Pratique / Geste pratique

Mobilisation passive de la cheville selon les techniques de Maitland 17, rue Albert-Schweitzer, 67540 Ostwald, France

RÉSUMÉ La cheville a un rôle de charnière entre la jambe et le pied. Lorsque raideur et douleur limitent ses amplitudes articulaires, la récupération de celles-ci nécessite de s'intéresser à cinq articulations fonctionnellement indissociables. L'auteur nous décrit la mobilisation passive selon Maitland pour trois d'entre elles : la tibio-fibulaire inférieure, la talo-crurale et la subtalaire. La récupération des mouvements accessoires est un préalable à la récupération des mouvements physiologiques. Niveau de preuve. – Pas adapté.

Christian Callens

Mots clés Articulation talo-crurale Mobilisation passive Tibio-fibulaire inférieure

Keywords Talocrural joint Passive mobilization Inferior tibiofibular joint

© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SUMMARY The ankle plays a pivotal role between leg and foot. When stiffness and pain restrict range of motion, recovery involves five functionally indissociable joints. The present article describes passive mobilization using Maitland's techniques for three of these: the inferior tibiofibular, talocrural and subtalar joints. Recovery of accessory movement is a precondition for recovery of physiological movement. Level of evidence. – Non-applicable. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

INTRODUCTION Articulation intermédiaire entre la jambe et le pied, la cheville a un rôle de charnière

entre un segment verticale (la jambe) et un segment horizontal (le pied). Elle est soumise à d'importantes contraintes latérales mais aussi rotatoires.

Figure 1. Combinaison des mouvements de la cheville autour de ses trois degrés de liberté : a : la cheville est en position neutre ; b : la cheville est en flexion plantaire, adduction, supination ; c : la cheville est en flexion dorsale, abduction, pronation. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2012.07.024

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Figure 4. Représentation mécanique de la surface subtalaire entrainant des glissements du talus lors des mouvements de prono-supination/supination.

Figure 2. Le bord antérieur de la surface articulaire du talus est plus large que son bord postérieur. Lors de la flexion dorsale et plantaire, la pince tibio-fibulaire s'écarte et se resserre entrainant également des mouvements d'élévation-abaissement et de rotation de la fibula [2].

Figure 3. a, b et c : à la manière d'un panneton actionné par une clé (a), le talus réalise des mouvements d'adduction (b) et d'abduction (c). Ces mouvements sont permis par la mobilité de l'articulation tibio-fibulaire.

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La cheville met en jeu cinq articulations qui sont fonctionnellement indissociables [1,2] : la tibio-fibulaire inférieure et supérieure, la talo-crurale, la subtalaire et l'articulation transverse du tarse. Ce complexe articulaire permet des mouvements combinés à trois degrés de liberté (Fig. 1). Nous ne parlerons pas ici de l'articulation tibio-fibulaire supérieure, ni de l'articulation transverse du tarse.

L'articulation tibio-fibulaire inférieure Si l'articulation talo-crurale des équidés peut être assimilable mécaniquement à une mortaise [3]. Le Cœur [4] a montré que chez l'homme cette articulation fait intervenir la tibio-fibulaire inférieure qui fonctionne comme une pince (Fig. 2).

Figure 5. L'éminence thénar de la main droite est placée à la partie postérieure de la malléole tibiale et sert de point fixe. L'éminence hypothénar de la main gauche placée à la partie antérieure de la malléole fibulaire réalise les mouvements oscillatoires antéropostérieurs (flèche).

Pratique / Geste pratique La fibula subit une translation postérieure pendant la flexion dorsale et antérieure lors de la flexion plantaire [5].

L'articulation talo-crurale L'articulation tibio-fibulaire étant une pince et non une mortaise, elle permet les mouvements de pronation/ supination et d'abduction/adduction du talus. Le talus, à la manière d'une clef dans une serrure réalise une abduction et une adduction écartant la fibula [5] (Fig. 3).

L'articulation subtalaire Double trochoïde inversée, la subtalaire permet de faibles mouvements dans les trois plans de l'espace [2].

Figure 6. L'éminence thénar de la main gauche est placée à la partie antérieure de la malléole tibiale et sert de point fixe (croix). L'éminence hypothénar de la main gauche placée à la partie postérieure de la malléole fibulaire réalise les mouvements oscillatoires postéro-antérieure (flèche).

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Manter [6] a comparé la surface articulaire subtalaire à une vis d'Archimède (Fig. 4) entraînant, lors de la pronation-supination, des glissements antérieur et postérieur du talus [7].

LE CONCEPT DE MAITLAND

Figure 7. Le pisiforme de la main gauche est placé à la partie antérieure de la malléole fibulaire. Cette prise est renforcée par le talon de la main droite. Le genou droit est en appui sur l'autre genou, le talon est en appui sur la table pour fournir un appui stable. Le thérapeute réalise des mouvements oscillatoires antéro-postérieurs (flèche) de grade IV.

Figure 8. Le pisiforme de la main gauche est placé à la partie postérieure de la malléole fibulaire. Cette prise est renforcée par le talon de la main droite. Le genou droit est en appui sur la table en avant de l'autre genou. La face antéro-médiale du pied en appui sur la table fourni un appui stable. Le thérapeute réalise des mouvements oscillatoires postéro-antérieur (flèche) de grade IV.

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Nous avons déjà exposé le concept de Maitland dans un article précédent [8]. Nous conseillons le lecteur de consulter également le livre de l'auteur de cette technique [9], ainsi que le livre de Petty (2006) sur l'examen du pied et de la cheville [10]. Bien que cet article soit essentiellement pratique, insistons encore sur l'importance, dans le bilan, de l'examen subjectif et objectif et surtout sur la réévaluation constante après chaque technique employée au cours d'une séance. C'est cette réévaluation constante qui va guider le choix des manœuvres décrites et les grades de mouvement utilisés. Évaluation et traitement ne peuvent être dissociés.

Figure 9. Le glissement caudal de la fibula s'obtient par l'intermédiaire d'un mouvement de supination du calcaneus.

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Figure 10. Le glissement cranial de la fibula s'obtient par l'intermédiaire d'un mouvement de pronation du calcaneus. La fibula doit rester libre.

TECHNIQUES DE MOBILISATION Les manœuvres de mobilisation ne sont pas exposées dans un ordre chronologique. Elles dépendent du bilan subjectif et objectif initial et de l'évaluation– réévaluation constante au cours du traitement. Lorsque la limitation d'amplitude est due à une raideur, la récupération des mouvements accessoires est un préalable à la récupération des mouvements physiologiques.

Fig. 11 et 12. Le genou est fléchi à 908. Les premières commissures des mains placées sous les malléoles le plus près possible de l'interligne, enserrent le talus et tractent ce dernier en direction caudale. Le tronc ou le genou réalise un contre appui sur la face postérieure de la cuisse.

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Fig. 13. Glissement antéro-postérieur direct. Un rouleau est glissé sous le genou pour le maintenir en flexion afin de détendre les gastrocnémiens. La première commissure de la main droite est placée sur la partie antérieure du col du talus, la main gauche renforce la prise de la main droite. La cuisse du thérapeute maintient le pied à la limite de la dorsiflexion. Le mouvement oscillatoire s'effectue à partir du tronc du thérapeute par flexion extension des genoux.

Fig. 14. Glissement antéro-postérieur indirect. La première commissure de la main droite placée sur la partie antérieure du col du talus réalise un point fixe. La main gauche placée à la partie postérieure et distale de la jambe, le plus près possible de l'interligne, réalise un glissement postéro-antérieure du tibia. Le pied est placé à la limite de la dorsiflexion.

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Fig. 15. Glissement postéro-antérieur direct. Le pied repose sur un coussin triangulaire afin de détendre les gastrocnémiens. Le pouce et l'index de la main gauche sont placés à la partie postérieure du talus de part et d'autre du tendon calcanéen. Le pouce et l'index de la main droite renforcent la prise de la main gauche. La cuisse du thérapeute contrôle la dorsiflexion du pied. Le mouvement oscillatoire s'effectue à partir du tronc du thérapeute par flexion extension des genoux.

Fig. 16. Glissement postéro-antérieur indirect. Le pied repose sur un coussin triangulaire. Le genou sera plus ou moins fléchi afin de détendre les gastrocnémiens et placer le pied en flexion dorsale plus ou moins importante. Les doigts 2, 3, 4 de la main gauche sont placés à la partie postérieure du talus et du calcanéus pour fournir un point fixe. Le talon de la main droite, placé à la partie antérieure et distale de la jambe le plus près possible de l'interligne, réalise un glissement antéro-postérieur du tibia.

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Pratique / Geste pratique Les mouvements accessoires de la tibiofibulaire inférieure Lesmouvements accessoires de la tibio-fibulaire inférieure sont comme suit (Fig. 5 à 10):  glissement antéro-postérieur et postéro-antérieur grade II et III (Fig. 5 et 6) ;  glissement antéro-postérieur et postéro-antérieur grade IV (Fig. 7 et 8) ;  glissement caudal et crânial de la fibula (Fig. 9 et 10).

Les mouvements accessoires de la talocrurale Les mouvements accessoires de la talo-crurale sont comme suit (Fig. 11 à 19) :  mouvement longitudinal caudal (Fig. 11 et 12) ;  glissement antéro-postérieur (Fig. 13 et 14) ;  glissement postéro-antérieur (Fig. 15 et 16) ;  abduction et adduction du talus (Fig. 17 et 18) ;  pronation et supination du talus (Fig. 19).

Les mouvements accessoires de l'articulation subtalaire Les mouvements accessoires de l'articulation subtalaire sont comme suit (Fig. 20 à 23) :  glissements transverses (Fig. 20 et 21) ;  glissement postéro–antérieur et antéro-postérieur (Fig. 22 et 23).

Mouvements combinés

Fig. 17 et 18. Abduction. La main droite maintient le tibia laissant libre la fibula. La première commissure pouce index de la main gauche enserre le talus et lui imprime respectivement le mouvement d'abduction et d'adduction.

Les mouvements combinés sont comme suit (Fig. 24 à 29) :  flexion dorsale avec roulement et glissement (Fig. 24 et 25) ;  flexion plantaire avec roulement et glissement (Fig. 26 et 27). Quand on mobilise une surface convexe sur une surface concave le glissement se fait en sens inverse du mouvement [11,12] (Fig. 28 et 29).

Fig. 19. a, b, c : pour réaliser le mouvement de pronation, à partir d'une position de départ jambe verticale (a), le thérapeute éloigne la jambe de son tronc (b). Le mouvement de supination sera initié par un rapprochement du pied vers le tronc du thérapeute.

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Fig. 22 et 23. Glissement postéro-antérieur (22). Glissement antéropostérieur (23). La première commissure d'une main est placée sur le col du talus et sert de point fixe (croix). Le talon de l'autre main placée sur le calcaneus mobilise (flèche).

Fig. 20 et 21. Glissement transverse médial (20). Glissement transverse latéral (21). Une main enserre les deux malléoles pour assurer un point fixe et bloquer le talus. L'éminence thénar de l'autre main placée sur le calcaneus transmet le mouvement oscillatoire.

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Fig. 24 et 25. Le talon de la main droite et l'aisselle gauche assure le roulement en flexion dorsale. La première commissure de la main gauche réalise le glissement antéro-postérieur du talus. Dans le même temps le thérapeute amène le genou en flexion pour augmenter la flexion dorsale de cheville.

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Fig. 26 et 27. La main droite et le thorax gauche assure le roulement en flexion plantaire. La première commissure de la main gauche qui enserre le talus tire ce dernier pour réaliser le glissement postéro-antérieur du talus. Dans le même temps le thérapeute amène le genou en extension pour augmenter la flexion plantaire de cheville.

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Fig. 28. a et b : le roulement pur limite la flexion, le mouvement combiné de roulement avec glissement antéro-postérieur permet une plus grande amplitude.

Fig. 29. a et b : le roulement pur limite l'extension, le mouvement combiné de roulement avec glissement postéro-antérieur permet une plus grande amplitude.

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Fig. 30 et 31. Le sujet est en procubitus. Pour imprimer la flexion plantaire, le thérapeute réalise une inclinaison ulnaire de ses deux mains tout en amenant le genou en extension.

Mouvement physiologique Réalisation des mouvements, (Fig. 30 à 33).

CONCLUSION La richesse des manœuvres de mobilisation spécifique décrites permet de récupérer rapidement les amplitudes articulaires sur une cheville enraidie. La douleur [13] étant souvent associée à la raideur, il appartient au thérapeute de choisir dans un premier temps les mouvements les plus indolores répertoriés lors du bilan (en général les mouvements accessoires). Secondairement, il ira solliciter les mouvements douloureux en choisissant le grade de mouvement pour ne pas éveiller

Fig. 32 et 33. Le sujet est assis en bord de table. Le thérapeute maintient le pied entre ses pouces à la face dorsale et ses autres doigts à la face plantaire, tout en repoussant la jambe.

une douleur excessive. Le nombre de répétition, la longueur de la séance, le choix des techniques seront perpétuellement adaptés en fonction des réactions du sujet évaluées au cours de la séance et le lendemain. La douleur en réaction au traitement peut être minimisée par l'emploi de mouvements de grande amplitude 27

Pratique / Geste pratique exercés dans des secteurs de course de même direction mais qui précèdent l'amplitude douloureuse [9]. Déclaration d'intérêts L'auteur n'a pas transmis de déclaration de conflits d'intérêts.

RÉFÉRENCES [1] Bonnel F, et al. Chronic ankle instability: Biomecanics and pathomechanics of ligaments injury and associated lesions. OrthopTraumatol Surg Res 2010;96:424–32. [2] Dufour M, Pillu M. Biomécanique Fonctionnelle, 241. Paris: Masson; 2005. p. 207–19. [3] Cazeau C. Anatomie comparée de l'articulation de la cheville chez quelques classes de Mammifères. Maîtrise Orthopédique 2004;133:1–12. [4] Le Cœur P. La pince malléolaire physiologie normale et pathologique du péroné. Paris: Louis Arnette; 1938.

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[5] Klein P, Sommerfeld P. Biomécanique des membres inférieurs, 338. Paris: Elsevier Masson; 2008. p. 355. [6] Manter JT. Movements of the subtalar and transverse tarsal joints. Anat Rec 1941;80(4):397–410. [7] Zatsiorsky VM. Kinematics of human motion, Champaign, IL: Human Kinetics; 1998. p. 300. [8] Callens C. Concept Maitland et coxo-fémoral. Kinesither Rev 2006;54:13–8. [9] Maitland GD. Articulations périphériques. Évaluation, examen et traitement par le mouvement passif. Lausanne: Payot; 1988. [10] Petty NJ. Neuromusculoskeletal examination and assessment, 3e ed., Edinburgh: Elsevier; 2006. p. 369–84. [11] Gray H. Anatomy of human body. London: Longmans: Warwick and Williams eds; 1973. [12] Kaltenborn FM. Thérapie manuelle pour les articulations des membres. Paris: Maloine; 1984. p. 19–24. [13] Callens C. Savoir caractériser la douleur en vue d'une mobilisation. Kinésither Ann 2002;(1):18–9.