Fiche de lecture La dynamique du capitalisme HCE ... - HEC Paris

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Fernand Braudel tente d'apporter des éléments de réponse à ces questions dans La dynamique du capitalisme. Mots-clés: Histoire économique, Economie ...
Observatoire du Management Alternatif Alternative Management Observatory __ Fiche de lecture

La dynamique du capitalisme Fernand Braudel 1985

Camille Portejoie – Avril 2011 Majeure Alternative Management – HEC Paris – 2010-2011

: «La dynamique du capitalisme » – Avril 2011

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La dynamique du capitalisme Cette fiche de lecture a été réalisée dans le cadre du cours « Histoire de la critique » donné par Eve Chiapello et Ludovic François au sein de la Majeure Alternative Management, spécialité de troisième année du programme Grande Ecole d’HEC Paris. Editions Flammarion, Paris, 2008 Première date de parution de l’ouvrage : 1985 Résumé : Que peut nous apprendre l’histoire économique sur le monde d’aujourd’hui ? Quels sont les grands mouvements, les grandes dynamiques qui ont permis au modèle économique européen de dominer l’économie mondiale et de s’étendre ? Fernand Braudel tente d’apporter des éléments de réponse à ces questions dans La dynamique du capitalisme. Mots-clés : Histoire économique, Economie mondiale, Capitalisme, Dynamique

Afterthoughts on Material Civilization and Capitalism This review was presented in the “Histoire de la critique” course of Eve Chiapello and Ludovic François. This course is part of the “Alternative Management” specialization of the third-year HEC Paris business school program. Editions Flammarion, Paris, 2008 Date of first publication : 1985 Abstract : What can economic history teach us about the current state of the world ? What are the main trends, the main dynamics that led to the prevailing position of the European economic model and its expansion ? Fernand Braudel gives us tools to answer these questions in this essay which is entitled Afterthoughts on Material Civilization and Capitalism. Key words : Economic history, World economy, Capitalism.

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Table des matières 1. L'auteur et son œuvre...........................................................................................................4 1.1. Brève biographie .......................................................................................................4 1.2. Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur .................................................................5 2. Résumé de l'ouvrage.............................................................................................................6 2.1. Plan de l’ouvrage .......................................................................................................6 2.2. Principales étapes du raisonnement et principales conclusions ................................6 3. Commentaires critiques......................................................................................................11 3.1. Avis d’autres auteurs sur l’ouvrage ..........................................................................11 3.2. Avis de l’auteur de la fiche ......................................................................................11 4. Bibliographie.......................................................................................................................13 5. Références............................................................................................................................15 5.1. Articles......................................................................................................................15 5.2. Sitographie................................................................................................................15

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1. L’auteur et son oeuvre 1.1

Brève biographie

Fernand Braudel est né en 1902 à Luméville-en-Ornois, un petit village de Lorraine, où il passe son enfance avant de rejoindre sa famille à Paris en 1909. C’est dans cette ville qu’il passe et réussit son agrégation d’histoire en 1923 à tout juste vingt-et-un ans. Il enseigne ensuite pendant treize ans à l’étranger, en Algérie puis à Sao Paolo, avant de rejoindre l’Ecole pratique des hautes études, en 1937, où il entreprend une thèse sous la direction de Lucien Febvre. Il soutient sa thèse, intitulée La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, en 1947. Elle est publiée en 1949 et est considérée comme sa plus grande œuvre, représentant une approche de l’histoire par l’espace très novatrice pour l’époque. Entre temps, Braudel a quitté l’Ecole pratique des hautes études pour prendre la direction des Annales en 1947 puis du Collège de France en 1949 à la suite de son directeur de thèse. Dans une optique toujours novatrice et convaincu de l’importance de ne pas cloisonner les sciences humaines entre elles, Braudel est à l’origine de la création de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), fondée en 1962, qu’il installe dans la Maison des Sciences de l’Homme, construite grâce aux capitaux de la fondation Rockefeller à Paris. Il publie son second ouvrage d’importance Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe siècle – XVIIIe siècle une trentaine d’années après La Méditerranée, en 1967. Il est élu membre de l’Académie française en 1984, peu avant son décès en 1985. Son dernier ouvrage, L’identité de la France, qui présente une approche géographique de l’histoire de la France, est publié à titre posthume en 1985. Fernand Braudel est considéré comme « le pape de la nouvelle histoire ». Il est l’un des représentants les plus connus de l’Ecole des Annales dont il dirigea la revue de 1946 à 1968. Selon Lucien Febvre, l’un des fondateurs de cette école, il s’agit de repenser le travail de l’historien qui ne doit pas se contenter de raconter la « petite histoire » des évènements politiques et diplomatiques mais doit croiser ses sources, utiliser l’ensemble des sciences humaines - sociologie, économie - pour rendre l’histoire vivante : « Entre l’action et la pensée, il n’est pas de cloison. Il n’est pas de barrière. Il faut que l’histoire cesse de vous apparaître comme une nécropole endormie, où passent seules des ombres dépouillées de substance. Il faut que, dans le vieux palais silencieux où elle

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sommeille, vous pénétriez, tout animés de la lutte, tout couverts de la poussière du combat, du sang coagulé du monstre vaincu – et qu’ouvrant les fenêtres toutes grandes, ranimant les lumières et rappelant le bruit, vous réveilliez de votre vie à vous, de votre vie chaude et jeune, la vie glacée de la Princesse endormie … »1. C’est dans cette optique que Fernand Braudel adopte une démarche historique résolument nouvelle en prenant pour sujet de thèse un espace: la Méditerranée, et non un évènement (le règne de Philippe II). Cette façon de procéder, écrire une histoire géographique en s’inspirant du travail du géographe Paul Vidal de la Blache et en incluant tous les aspects de la vie d’une région - socio-économique, politique, culturel - reste la marque de fabrique de Braudel jusqu’à son dernier ouvrage, L'identité de la France, et son apport le plus considérable à la réflexion historique et géographique. Le travail de Braudel est connu dans le monde entier: son travail sur la Méditerranée a été traduit en plus de dix langues étrangères et il fut nommé doctor honoris causa des plus grandes universités mondiales: Yale, Oxford, Cambridge, Bruxelles... Il a laissé un héritage conséquent en France: la Maison des Sciences de l’Homme et son travail pour restructurer la recherche française.

1.2

Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur

La dynamique du capitalisme est un ouvrage très synthétique (cent vingt-deux pages) regroupant les textes de trois conférences que Fernand Braudel tint aux Etats-Unis à l’université John Hopkins en 1976. L’objectif de ces conférences était pour lui de présenter les grandes lignes de son ouvrage à paraître Civilisation matérielle, économie et capitalisme (ouvrage paru en 1979) ainsi que sa méthode de travail. On retrouve ainsi dans cet ouvrage les principaux concepts développés dans Civilisation matérielle, économie et capitalisme ainsi qu’une explication de sa méthode de travail.

Lucien Febvre, Combats pour l'histoire, Armand Colin, Paris, 1952.

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2. Résumé de l’ouvrage 2.1

Plan de l’ouvrage

Chapitre premier : En repensant à la vie matérielle et à la vie économique Chapitre deuxième : les jeux de l’échange Chapitre troisième : le temps du monde

2.2

Principales étapes du raisonnement et principales conclusions

L’objectif du livre Civilisation matérielle, capitalisme et économie, que présente Fernand Braudel dans les trois conférences de La dynamique du capitalisme était de réaliser une histoire économique du monde du quinzième au dix-huitième siècle pour mieux comprendre l’expansion du capitalisme en Europe. Face à la masse des informations à traiter, Braudel a pris le parti de focaliser son travail sur les « déséquilibres et les équilibres profonds du long terme », car c’est pour lui la caractéristique même d’un monde où se développe le capitalisme : la coexistence de deux univers, d’une économie traditionnelle face à « une économie de marché, un capitalisme en expansion. ». Braudel se plonge dans la vie quotidienne, la vie matérielle des hommes pour comprendre et dévoiler ces inerties. Il insiste sur l’importance de cette exploration minutieuse, trop souvent dédaignée par les historiens traditionnels, pour bien comprendre le monde et le développement économique. Braudel fait ainsi émerger de nouveaux concepts. Une tripartition de l’économie Braudel sépare l’économie en trois entités distinctes : la vie matérielle, l’économie de marché et le capitalisme (ces derniers inclus dans la vie économique). La vie matérielle est mue par les premiers sujets d’exploration de Braudel : le nombre des hommes, la nourriture et les techniques. Braudel met en avant la corrélation entre des phases d’augmentation de la population et de croissance économique. Cependant, entre le quinzième et le dix-huitième siècle, sous l’influence de cycles démographiques réguliers (augmentation

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de la population suivie d’une rechute brutale causée par une épidémie, des guerres, des famines associée aux conditions de vie précaires), la population et la vie économique stagnent sur le long terme. Cette dynamique change dans la seconde moitié du dix-huitième siècle avec la mise en place d’une dynamique de croissance durable. Dans le même temps, des innovations technologiques en grappe favorisent au cours de la période des sursauts dans l’activité économique. Le développement et l’échange des techniques sont pour Braudel un explication toute aussi importante de l’état du monde. Braudel dessine une frontière entre la vie matérielle d’un côté, et la vie économique de l’autre. La vie économique se distingue de la vie matérielle par le marché. Il n’est plus question d’autoconsommation et de production pour satisfaire ses propres besoins. Des biens sont produits, qui sont ensuite échangés par le biais des itinérants, des marchés et qui acquièrent alors une valeur d’échange et sont intégrés dans le marché. Les échanges organisent la production et orientent la consommation. C’est à ce moment que l’on sort de la vie matérielle à proprement parler pour entrer dans la vie économique. Braudel définit ainsi l’économie de marché : il s’agit d’un sous-ensemble de l’économie, qui a pour rôle de relier la production et la consommation. Elle se situe entre la vie matérielle et « les processus de capitalisme, qui sont une fois sur deux la manœuvre d’en haut ». Braudel insiste sur les limites de l’économie de marché, qui n’est qu’une partie infime de l’économie. Toute infime qu’elle soit, l’économie de marché se développe fortement entre le quinzième et le dixhuitième siècle, non seulement en Europe, mais aussi en Asie (Japon, Chine), dans les pays islamiques et en Amérique autour des métaux précieux et de « quelques marchandises exceptionnelles ». Les échanges caractéristiques de l’économie de marché ont lieu dans dans une sphère locale, sur des marchés ou auprès de petits artisans, sont quotidiens, directs entre le producteur et le consommateur, et transparents. C’est-à-dire que les tenants et les aboutissants de ces échanges sont connus par les agents (qui peuvent être des petits ou gros marchands) et qu’ils sont régis par la concurrence et la libre information. Le concept d’économie de marché ne décrit pas toutes les activités de la vie économique. Braudel utilise le terme capitalisme, même si ce mot n’existe pas à l’époque, pour décrire ces activités. A l’opposé des échanges dans l’économie de marché, les échanges de type B se caractérisent par la dissymétrie d’informations et la multiplication des intermédiaires. De cette manière, le consommateur final n’a pas accès à l’information du producteur et se fie au négociant qui peut en profiter pour augmenter ses prix. Ces échanges ont lieu dans le cadre des foires ou des bourses. C’est dans ces échanges qu’émerge le processus capitalistique selon Braudel, qu’il illustre par l’exemple du commerce au loin. Parce que les transports sont lents : «La dynamique du capitalisme » – Avril 2011

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et les moyens de communication peu nombreux et peu efficaces, ce commerce permet l’émergence de gros marchands qui possèdent les capitaux nécessaires et les connaissances pour investir dans ce domaine risqué mais qui dégagent d’énormes bénéfices. Un système sophistiqué et complexe (prêts, crédits, titre) se développe autour des ces échanges et les négociants gardent en main le pouvoir car ils sont les seuls à posséder les capitaux en suffisance. Ces négociants se caractérisent par leur non-spécialisation. Ils investissent dans les secteurs ou le profit est le plus grand et ces secteurs changent en permanence. Ces échanges capitalistiques ne sont pas indépendants de l’économie de marché, ils ne peuvent fleurir que sous l’impulsion de l’économie de marché, elle-même gonflée par l’essor de la vie matérielle. L’Etat, la religion, la culture favorisent ou défavorisent l’essor du capitalisme. Cependant Braudel s’oppose à la thèse de Weber, qui stipule que la capitalisme serait une création du protestantisme. Pour Braudel, l’essor économique des pays du Nord doit moins à la religion qu’au déplacement du centre de l’économie mondiale pour des raisons économiques suite à l’essor de l’économie atlantique. Braudel estime que le nœud du problème se situe dans les hiérarchies sociales. C’est là et seulement là que que s’est joué le sort du capitalisme. Le capitalisme a besoin de hiérarchies sociales et de stabilité dans l’ordre social pour s’épanouir. Il faut que ce que le père a amassé dans sa vie puisse être passé au fils et cela pendant plusieurs générations pour permettre l’émergence de familles de marchands avec de gros capitaux. Au-delà de la stabilité, encore faut-il que l’Etat reste neutre face à la succession des propriétés pour que l’accumulation de capitaux et le mouvement d’une famille vers le haut de la hiérarchie sociale puissent avoir lieu. C’est cette stabilité de l’ordre social et cette relative neutralité de l’Etat voire cette « complaisance » qui distinguent pour Braudel l’Europe du reste du monde et fait d’elle le berceau du capitalisme. Le temps du monde : « lier le capitalisme, son évolution et ses moyens à une histoire générale du monde ». Braudel cherche à découvrir les origines de la société mondiale, i.e à comprendre pourquoi et comment les pays développés et sous-développés se sont retrouvés à leur position actuelle. Pour comprendre les dynamiques économiques mondiales, Braudel réalise une clarification conceptuelle. L’économie mondiale désigne pour Braudel « l’économie du monde pris en son entier ». L’économie-monde désigne l’économie d’une partie du monde qui représente un tout économique. Une économie monde aura ainsi les caractéristiques suivantes : elle occupe un espace géographique déterminé par des limites qui peuvent varier dans le temps ; elle a un ou deux centres (i.e capitales économiques) ; l’espace géographique est organisé en plusieurs : «La dynamique du capitalisme » – Avril 2011

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zones d’importance diverse : le cœur entouré par les zones intermédiaires, elles-même encerclées par les marges. Il existe, entre ces différentes zones, des relations de subordination et de dépendance marquées par la domination du cœur. Le monde peut être représenté à chaque époque comme une mosaïque de différentes économies monde qui vivent indépendamment les unes des autres. Braudel remarque deux faits importants à propos de la construction de l’économie-monde européenne. Au cours de la période étudiée, l’économie-monde européenne a changé à cinq reprises de centre. Ces changements se sont toujours réalisés sous l’impulsion de crises fortes ou le nouveau centre plus fort économiquement s’avérait capable de supplanter violemment l’ancien pôle économique dominant. Il s’agit donc, pour Braudel, d’étudier l’histoire générale à travers le prisme de ces crises économiques fortes qui déclenchent d’importants changements. Une économie-monde se construit sur l’inégalité entre les différentes zones qui la composent. Ainsi, l’économie monde européenne du dix-septième siècle, dont le centre est alors Amsterdam, voit-elle coexister en son sein des différences de niveau de vie frappantes. Amsterdam et sa région, le cœur économique, rassemblent toute la modernité économique et les avancées politiques. Un peu plus à l’écart du centre, les pays limitrophes sont moins évolués : les structures financières et les échanges sont encore traditionnels, les libertés moins grandes et la société plus inégalitaire. Enfin, à la périphérie, les régions marginales (en l’occurrence le nord de l’Europe, l’est de l’Europe (au-delà d’une ligne Hambourg-Venise), le sud de l’Italie et surtout le nouveau-monde) sont encore sous le joug du servage ou pire de l’esclavage. Pour Braudel, cette organisation de l’économie-monde européenne du dixseptième siècle illustre à merveille les inégalités sur lesquelles se construit le capitalisme : le centre, la superstructure capitalistique, se nourrit grâce aux zones intermédiaires, qui ellesmêmes se nourrissent des zones marginales. Pour finir son étude de l’expansion de l’économie européenne à l’économie mondiale, Braudel s’intéresse au basculement du centre de l’économie-monde européenne d' Amsterdam vers le Royaume-Uni. Il s’agit d’un basculement majeur car il y a un changement d’échelle d’un centre urbain on passe à un centre national - et de structures : le nouveau centre peut se reposer sur un marché national développé. Le leadership économique de l’Angleterre, doublé d’un leadership politique, marque le début d'une nouvelle ère. L’Angleterre réussit ce qu’aucun centre n’avait atteint jusque là : asseoir la domination de l’économie européenne sur l’économie mondiale. Evidemment cette domination n’aurait pu avoir lieu sans la révolution industrielle anglaise. Pour Braudel, la révolution industrielle est née d’un lent mouvement de maturation de l’économie anglaise, qui a créé un marché national, une économie de marché : «La dynamique du capitalisme » – Avril 2011

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florissante permettant à de petits artisans de mettre en action la « révolution du coton ». Néanmoins la révolution industrielle a survécu car de nouveaux marchés se sont sans cesse ouverts : l’Amérique portugaise, l’Amérique espagnole, l’empire turc, les Indes… « Mais il est certain que cette puissance, si elle se forme par un lent travail sur ellemême, se renforce par l’exploitation d’autrui et, au cours de ce double processus, la distance qui la sépare des autres s’augmente. » Conclusion sur la nature du capitalisme Le capitalisme d’aujourd’hui pour Braudel n’a pas changé de nature et l’on y retrouve quatre éléments que Braudel a identifié dans sa définition du capitalisme : le capitalisme se fonde toujours sur l’exploitation des ressources et des opportunités internationales ; il se fonde essentiellement sur des monopoles de droit ou de fait ; la distinction que Braudel fait entre vie matérielle, économie de marché, économie capitaliste est pour lui toujours valable le capitalisme ne recouvre pas l’économie tout entière ; enfin le capitalisme se fonde sur un système hiérarchisé et inégalitaire.

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3. Commentaires critiques 3.1

Avis d’autres auteurs sur l’ouvrage

Dans La dynamique du capitalisme et peu après dans Civilisation matérielle, économie et capitalisme, considéré comme le second grand ouvrage d’importance de Braudel, ce dernier propose une approche résolument nouvelle du capitalisme. Les concepts qu’il développe, ainsi que la définition du capitalisme qu’il propose, ont fait date et sont souvent comparés aux théories d’autres économistes historiens tels que Schumpeter ou Marx, pour mener des analyses du capitalisme. Les critiques soulignent ainsi la différence essentielle entre les approches de Schumpeter et de Braudel (que Braudel souligne lui même dans son texte) : quand Schumpeter place l’entrepreneur au centre du processus capitalistique, responsable des créations d’activités caractéristiques selon lui du capitalisme, pour Braudel, l’origine du capitalisme se situe dans un mouvement d’ensemble de l’économie. Par ailleurs, Braudel situe le capitalisme comme une partie infime de l’économie alors que pour d’autres économistes, dont Schumpeter et Marx, le capitalisme représente le mode de fonctionnement de l’économie en général. Si l’apport du travail de Braudel pour l’analyse du capitalisme est souvent reconnu, un critique Alain Bihr, dans la revue Interrogation, lui reproche tout de même un certain manque de rigueur dans la définition des concepts de capitalisme, d’économie et de vie matérielle. Pour Bihr, la distance que Braudel a pris vis à vis des analyses marxiennes va à l’encontre de la clarté de ses définitions conceptuelles.

3.2

Avis de l’auteur de la fiche

Dans le contexte actuel, où le modèle dominant du capitalisme est sans cesse remis en question, il me semble que la perspective de Braudel nous incite à la prudence. Parce que sa thèse affirme que le capitalisme est né d’un vaste mouvement d’ensemble de l’histoire économique, elle incite à la prudence face aux idéologies et aux discours politiques qui prétendent éradiquer ou transformer aisément, avec des mesures rapides et court-termistes le capitalisme de la vie économique. La démarche même de Braudel encourage à s’intéresser au long, voire au très long terme, y compris concernant l’histoire économique et me semble

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fournir un modèle intéressant pour les réflexions sur la mise en place d’un nouveau modèle économique. Par ailleurs, il me semble que dans un même mouvement, Braudel désacralise le capitalisme. Il estime que le capitalisme ne recouvre pas l’économie toute entière et le différencie de l’économie de marché. Cette analyse de l’économie encourage les économistes, et peut-être même les hommes politiques, à ne pas oublier de s’intéresser à la vie quotidienne des gens, qui est certes touchée par les effets du capitalisme, mais qui évolue aussi dans un autre espace que ce dernier. Dans le monde actuel, cette méthode pourrait peut-être être employée à bon escient pour la réflexion économique et politique.

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4. Bibliographie de l’auteur 1922, Les trois premières années de la Révolution à Bar-le-Duc (D.E.S.), publié en feuilleton dans Le Réveil de la Meuse entre 1922-1923. 1928, « Les Espagnols et l’Afrique du Nord de 1492 à 1577 », in Revue africaine, p. 184-233 et 351-462 (acceptée en 1947 comme thèse secondaire). 1931, « Les Espagnols en Algérie 1492-1792 », chapitre IX de Histoire et historiens de l’Algérie, Paris, p. 231-265. 1949, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, Paris, Armand Colin. Deuxième édition révisée, 1966. 1951, Navires et marchandises à l’entrée du port de Livourne (1547-1611), en collaboration avec Ruggiero Romano, Armand Colin, 127 p. 1958, « La longue durée », in Annales, p. 725-753. 1958, « Histoire et sociologie », in Traité de sociologie, publié sous la direction de Georges Gurvitch. 1961, « Le déclin de Venise au XVIIe siècle », en collaboration avec Pierre Jeannin, Jean Meuvret et Ruggiero Romano, in (it) Aspetti e cause della decadenza economica veneziana nel secolo XVII. Atti del convegno : 27 giugno-2 luglio 1957, Venise-Rome, p. 23-86. 1961, « European Expansion and Capitalism : 1450-1650 », in Chapters in Western Civilization, New York, p. 245-288. 1963, Le monde actuel, en collaboration avec Suzanne Baille et Robert Philippe, P., Belin, Réédité en 1987 sous le titre Grammaire des civilisations. 1965, Carlo V, in I protagonisti della Storia universale, Milan, p. 113-140. 1967, Civilisation matérielle, économie et capitalisme (XVème – XVIIIème siècle), tome 1, Paris, Armand Colin. 1969, Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, collection Science, 315 p. 1974, Conclusion du tome II de la Storia d’Italia, Milan, Einaudi, 1974. Publié en français en 1989 sous le titre Le modèle italien. 1974, La Storia e le altre scienze sociale, Bari, Laterza, 386 p. 1977, Histoire économique et sociale de la France, Paris, PUF. 1977, La Méditerranée. L’espace et les hommes, Paris, Arts et métiers graphiques. 1978, La Méditerranée. Les hommes et l’héritage, Paris, Arts et métiers graphiques. 1979, Civilisation matérielle, économie et capitalisme (XVe-XVIIIe siècles), Paris,

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Armand Colin, trois volumes. 1982, L’Europe, Paris, Arts et métiers graphiques. 1984, Oltremare. Codice casanatense, Franco Maria Ricci. 1984, Venise, photographies de Folco Quilici, Paris, Arthaud. 1984, Le monde de Jacques Cartier, Paris, Berger-Levrault, 317 p. 1985, La dynamique du capitalisme, Paris, Arthaud, trois volumes. 1986, Discours de réception à l’Académie française, Paris, Arthaud. 1986, Une leçon d’histoire, colloque de Châteauvallon, 1985, Paris, Arthaud, 1986. 1987, Grammaire des civilisations, Paris, Arthaud (cf. 1963). 1989, Le modèle italien, Paris, Arthaud, 1989 (cf. 1974). 1990, Écrits sur l’histoire, tome II, Paris, Arthaud, (tome I : 1969) 1996, Les écrits de Fernand Braudel. I : Autour de la Méditerranée, Paris, De Fallois. 1997, Les écrits de Fernand Braudel. II : Les ambitions de l’histoire, Paris, De Fallois. 1998, Les mémoires de la Méditerranée, Paris, De Fallois. 2001, Les écrits de Fernand Braudel. III : L’histoire au quotidien, Paris, De Fallois.

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5. Références 5.1

Articles.

Dannequin, F. (2004). “BRAUDEL ET SCHUMPETER: deux manières de voir le capitalisme? ”, Documents de travail n° 85, septembre 2004, Université du Littoral Côte d’Opale, Laboratoire redéploiement industriel et innovation. Bihr, A. (2008), "La dynamique du capitalisme, note de lecture” in ¿ Interrogations ? Revue pluridisciplinaire en sciences de l’homme et de la société, Numéro 6. La santé au prisme des sciences sociales.

5.2

Sitographie.

François, M. (2008), « Braudel Fernand », in

France savante – dictionnaire

prosopographique du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, disponible sur http://cths.fr/an/prosopo.php?id=1948. Grataloup, C. (2003), « Braudel Fernand (1902-1985) », in J. Lévy et M. Lussault (sous dir°), Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, disponible sur http://www.espacestemps.net/document114.html. Parienty, A. (2005), « La dynamique du capitalisme – Fernand Braudel », in Alternatives Economiques Poche, n° 021, disponible sur http://www.alternatives-economiques.fr/ladynamique-du-capitalisme-fernand-braudel_fr_art_222_25289.html. ' Wi k i p e d i a ' ( 2 0 11 ) , « Fernand Braudel»

in

Wikipedia,

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fernand_Braudel.

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